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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 38


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— La mere et la femme du mort, chuchota Sara. Elles chantent ses vertus.

Le reste de la ceremonie fut bref. Le chef se courba, glissa une piece de monnaie entre les dents du mort, puis les quatre hommes reprirent leur fardeau et descendirent avec lui jusqu'au bord du fleuve.

L'instant suivant, le cadavre s'en allait au fil de l'eau noire.

— C'est fini, fit Sara. L'homme, par le chemin de l'eau, va rejoindre le pays de ses ancetres.

— Nous pouvons approcher, alors, dit Tristan. Puisque...

Mais il s'interrompit. Sara, brusquement a pleine voix, s'etait mise a chanter, faisant sursauter Catherine. Il y avait longtemps que la jeune femme n'avait entendu chanter Sara, tout au moins de cette maniere.

Bien sur, elle avait souvent fredonne de vieilles ballades pour endormir le petit Michel, mais ces melopees etranges, venues du fond des ages, rauques, sauvages et incomprehensibles, Catherine ne les avait entendues que deux fois : jadis, dans la taverne de Jacquot de la Mer, a Dijon, et aupres du feu des gitans qui, un moment, avaient entraine Sara avec eux. Quelque chose se noua dans sa gorge en l'ecoutant. La voix de Sara, ample, puissante, semblait peupler la nuit et lui porter tous les profonds echos de la terre lointaine d'ou etait venue l'etrange femme... Toute la tribu s'etait tournee vers elle et l'ecoutait, fascinee.

Lentement, Sara, sans cesser de chanter, se mit en marche, descendant la pente du fosse. Catherine et Tristan suivirent, le dernier menant les chevaux par la bride, et, devant eux, les Tziganes ouvrirent leurs rangs. C'est seulement en arrivant devant le chef que Sara se tut.

— Je suis Sara la Noire, dit-elle alors simplement, et mon sang est frere du tien. Celle-ci est ma niece, Tchalai ; et l'homme que voici nous a menees jusqu'a toi, a travers bien des perils. Nous acceptes-tu ?

Lentement, Fero leva sa lourde main et la posa sur l'epaule de Sara.

— Sois la bienvenue, ma s?ur. L'homme qui t'accompagne n'avait pas menti. Tu es des notres et ton sang est pur car tu sais les vieux chants rituels que seuls connaissent les meilleurs d'entre nous. Quant a celle- ci... - Son regard noir detailla Catherine qui eut l'impression soudaine d'etre enveloppee de flammes... - sa beaute sera le joyau de notre tribu. Venez, les femmes prendront soin de vous...

Il s'inclina devant Sara comme devant une reine puis entraina Tristan vers le feu tandis qu'un cercle jacassant se refermait sur les deux femmes. Catherine, ahurie, les oreilles bourdonnantes, se laissa conduire vers les quelques chariots masses au pied d'une des tours.

Une heure plus tard, etendue entre Sara et la vieille Orka, la mere de l'homme qui avait ete pendu, elle essayait a la fois de se rechauffer et de mettre de l'ordre dans ses idees. Tristan etait reparti pour l'auberge du « Pressoir Royal » ou il resterait a la disposition de ses compagnes, aux aguets, mais tout de meme a l'ecart du camp tzigane ou sa presence pourrait surprendre. Il avait emporte les vetements de Catherine et de Sara que le premier soin des femmes de la tribu avait ete d'habiller avec ce que l'on avait pu trouver dans les coffres. Et, maintenant, vetue seulement d'une longue chemise de toile, si rude qu'elle lui irritait la peau, et d'une sorte de couverture bariolee et passablement effrangee mais a peu pres propre, drapee par-dessus a la maniere d'une toge romaine, les pieds nus, Catherine se recroquevillait contre Sara, les jambes repliees sous elle, pour essayer d'avoir moins froid. Elle aurait donne n'importe quoi pour une botte de paille, mais, dans ce chariot couvert d'une bache trouee, il n'y avait, sur les planches mal jointes, que de mauvais chiffons pour preserver des courants d'air et de la durete du bois... Un soupir lui echappa et Sara, la sentant remuer, chuchota :

— Tu es bien sure de ne rien regretter ?

La trace d'ironie que comportait la question n'echappa pas a.

Catherine. Elle serra les dents.

— Je ne regrette rien... mais j'ai froid.

— Tu n'auras pas froid longtemps. D'abord, on se fait a tout, et puis les beaux jours vont venir.

La jeune femme ne repondit rien. Elle sentait que Sara, peut-etre parce qu'elle s'etait readaptee aussitot a la vie difficile des siens, n'avait pour elle aucune compassion. Il y avait, dans sa voix, une sorte de contentement paisible, celui d'avoir rejoint ses sources profondes.

Et Catherine se jura d'etre a la hauteur du role qu'elle avait voulu jouer car elle ne voulait pas perdre la face aux yeux de Sara. Elle se contenta donc de s'envelopper plus etroitement dans sa couverture, en prenant bien soin d'y enfermer ses pieds glaces, et de marmonner un vague bonsoir. A cote d'elle, la vieille Orka dormait sans plus bouger ni faire de bruit que si elle etait morte.

Quand le jour revint, Catherine dut se meler a la tribu et put, par la meme occasion, en mesurer la misere. Les feux de la nuit mettaient une sorte de fard sur la vetuste des chariots, la crasse des corps et des vetements. Le jour eclaira cruellement les enfants qui allaient a peu pres nus sans paraitre en souffrir, les animaux etiques, chiens, chats, chevaux errant a travers le campement a la recherche d'une quelconque nourriture et aussi le visage reel des Tziganes.

Pour vivre, certains tressaient des paniers avec les joncs du fleuve, mais la plupart etaient des chaudronniers. Leurs forges, cependant, etaient rudimentaires : trois pierres en guise de foyer, un soufflet en peau de chevre actionne par les orteils et une autre pierre comme enclume. Quant a leurs compagnes, elles lisaient dans les lignes de la main, faisaient la cuisine et promenaient partout leur demarche nonchalante, roulant des hanches d'une maniere provocante. Leur facon de s'habiller etonnait aussi Catherine ; il n'etait pas rare de rencontrer une femme vaquant, les seins nus, a ses occupations, mais toutes cachaient leurs jambes jusqu'au bout des pieds.

— La pudeur, chez nous, s'attache aux jambes, declara Sara avec dignite. La poitrine n'a d'autre importance que celle de son role : la nourriture des enfants.

Quoi qu'il en soit, songeait Catherine, les hommes avaient l'air de demons avec leurs yeux sauvages et leurs dents blanches, les femmes de diablesses effrontees quand elles etaient jeunes, d'inquietantes sorcieres quand elles etaient vieilles. Et la jeune femme s'avouait secretement que tous ces gens lui faisaient peur.

Plus que tous, peut-etre, le grand Fero. Le visage rude du chef semblait se faire plus farouche encore lorsqu'il la regardait. Son regard noir luisait comme celui d'un chat tandis qu'il se mordait nerveusement les levres.

Mais il ne lui adressait jamais la parole et passait son chemin lentement, se retournant parfois pour la regarder encore.

Completement depaysee, Catherine s'accrochait desesperement a Sara qui, elle, evoluait parmi ses freres de race avec une souveraine aisance. Tous lui montraient une deference dont Catherine beneficiait, comprenant par ailleurs fort bien que, sans Sara, on l'eut sans doute meprisee, elle, cette Tzigane de raccroc qui ne parlait meme pas le langage commun. Pour eviter les curiosites, Sara, par prudence, la faisait passer pour simple d'esprit... Evidemment, c'etait assez commode, mais, malgre tout, Catherine s'habituait mal a voir les Tziganes cesser de parler quand elle s'approchait et la suivre des yeux lorsqu'elle s'eloignait. Elle etait environnee de regards dans lesquels elle pouvait lire bien des choses : moquerie envieuse chez les femmes, convoitise sournoise chez la plupart des hommes.

— Ces gens ne m'aiment pas, dit-elle a Sara au bout de trois jours.

Sans toi, ils ne m'auraient jamais acceptee.

— Ils sentent en toi une nature etrangere, repondit la bohemienne, cela les etonne et les offusque. Ils pensent que tu as quelque chose de surnaturel, mais ils ne savent pas bien ce que c'est. Certains croient que tu es une keshalyi, une bonne fee, qui leur portera chance - c'est ce que Fero tente de leur faire croire - d'autres disent que tu as le mauvais ?il. Ce sont les femmes, en general, parce qu'elles savent lire dans les yeux de leurs hommes et que tu leur fais peur.