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Murger Henry - Sc?nes De La Vie De Boh?me Sc?nes De La Vie De Boh?me

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оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Sc?nes De La Vie De Boh?me - Murger Henry - Страница 8


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La commande de cette carte attira sur lui les regards d'une jeune personne, vetue de blanc, coiffee de fleurs d'oranger et chaussee de souliers de bal, un voile en imitation d'imitation flottait sur des epaules qui auraient bien du garder l'incognito. C'etait une cantatrice du theatre Montparnasse, dont les coulisses donnent pour ainsi dire dans la cuisine de la Mere Cadet . Elle etait venue prendre son repas pendant un entr'acte de la Lucie , et achevait en ce moment, par une demi-tasse, un diner compose exclusivement d'un artichaut a l'huile et au vinaigre.

– Deux gibelottes, matin! dit-elle tout bas a la fille qui servait le garcon, voila un jeune homme qui se nourrit bien. Combien dois-je, Adele?

– Quatre d'artichaut, quatre de demi-tasse et un sou de pain. Ca nous fait neuf sous.

– Voila, dit la cantatrice, et elle sortit en fredonnant:

Cet amour que Dieu me donne !

– Tiens, elle donne le la , dit alors un personnage mysterieux assis a la meme table que Schaunard, et a demi cache derriere un rempart de bouquins.

– Elle le donne? dit Schaunard; je crois plutot qu'elle le garde, moi. Aussi on n'a pas idee de ca, ajouta-t-il en indiquant du doigt l'assiette ou Lucia De Lamermoor avait consomme ses artichauts, faire mariner son fausset dans du vinaigre!

– C'est un acide violent, en effet, ajouta le personnage qui avait deja parle. La ville d'Orleans en produit qui jouit a juste titre d'une grande reputation.

Schaunard examina attentivement ce particulier, qui lui jetait ainsi des hamecons a la causerie. Le regard fixe de ses grands yeux bleus, qui semblaient toujours chercher quelque chose, donnait a sa physionomie le caractere de placidite beate qu'on remarque chez les seminaristes. Son visage avait le ton du vieil ivoire, sauf les joues, qui etaient tamponnees d'une couche de couleur brique pilee. Sa bouche paraissait avoir ete dessinee par un eleve de premiers principes , a qui on aurait pousse le coude. Les levres, retroussees un peu a la facon de la race negre, laissaient voir des dents de chien de chasse, et son menton asseyait ses deux plis sur une cravate blanche, dont l'une des pointes menacait les astres, tandis que l'autre s'en allait piquer en terre. D'un feutre chauve, aux bords prodigieusement larges, ses cheveux s'echappaient en cascades blondes. Il etait vetu d'un paletot noisette a pelerine, dont l'etoffe, reduite a la trame, avait les rugosites d'une rape. Des poches beantes de ce paletot s'echappaient des liasses de papiers et de brochures. Sans se preoccuper de l'examen dont il etait l'objet, il savourait une choucroute garnie en laissant echapper tout haut des signes frequents de satisfaction. Tout en mangeant, il lisait un bouquin ouvert devant lui, et sur lequel il faisait de temps en temps des annotations avec un crayon qu'il portait a l'oreille.

– Eh bien! s'ecria tout a coup Schaunard en frappant sur son verre avec son couteau, et ma gibelotte?

– Monsieur, repondit la fille, qui arriva avec une assiette a la main, il n'y en a plus; voici la derniere, et c'est monsieur qui l'a demandee, ajouta-t-elle en deposant le plat en face de l'homme aux bouquins.

– Sacrebleu! s'ecria Schaunard.

Et il y avait tant de desappointement melancolique dans ce: sacrebleu! Que l'homme aux bouquins en fut touche interieurement. Il detourna le rempart de livres qui s'elevait entre lui et Schaunard; et, mettant l'assiette entre eux deux, il lui dit avec les plus douces cordes de sa voix:

– Monsieur, oserais-je vous prier de partager ce mets avec moi?

– Monsieur, repondit Schaunard, je ne veux pas vous priver.

– Vous me priverez donc du plaisir de vous etre agreable?

– S'il en est ainsi, monsieur… et Schaunard avanca son assiette.

– Permettez-moi de ne pas vous offrir la tete, dit l'etranger.

– Ah! Monsieur, s'ecria Schaunard, je ne souffrirai pas.

Mais en ramenant son assiette vers lui il s'apercut que l'etranger lui avait justement servi la portion qu'il disait vouloir garder pour lui.

– Eh bien! Qu'est-ce qu'il me chante, alors, avec sa politesse? Grogna Schaunard en lui-meme.

– Si la tete est la plus noble partie de l'homme, dit l'etranger, c'est la partie la plus desagreable du lapin. Aussi avons-nous beaucoup de personnes qui ne peuvent pas la souffrir. Moi, c'est different, je l'adore.

– Alors, dit Schaunard, je regrette vivement que vous vous soyez prive pour moi.

– Comment?… pardon, fit l'homme aux bouquins, c'est moi qui ai garde la tete. J'ai meme eu l'honneur de vous faire observer que…

– Permettez, dit Schaunard en lui mettant son assiette sous le nez. Qu'est-ce que c'est que ce morceau-la?

– Juste ciel! Que vois-je! o dieux! Encore une tete! C'est un lapin bicephale! s'ecria l'etranger.

– Bice… dit Schaunard.

– …phale. Ca vient du grec. Au fait, M. De Buffon, qui mettait des manchettes, cite des exemples de cette singularite. Eh bien, ma foi! Je ne suis pas fache d'avoir mange du phenomene.

Grace a cet incident, la conversation etait definitivement engagee. Schaunard, qui ne voulait pas rester en reste de politesse, demanda un litre de supplement. L'homme aux bouquins en fit venir un autre. Schaunard offrit de la salade, l'homme aux bouquins offrit du dessert. A huit heures du soir, il y avait six litres vides sur la table. En causant, la franchise, arrosee par les libations du petit bleu, les avait pousses l'un l'autre a se faire leur biographie, et ils se connaissaient deja comme s'ils ne s'etaient jamais quittes. L'homme aux bouquins, apres avoir ecoute les confidences de Schaunard, lui avait appris qu'il s'appelait Gustave Colline; il exercait la profession de philosophe, et vivait en donnant des lecons de mathematique, de scolastique, de botanique, et de plusieurs sciences en ique .

Le peu d'argent qu'il gagnait a courir ainsi le cachet, Colline le depensait en achats de bouquins. Son paletot noisette etait connu de tous les etalagistes du quai, depuis le pont de la concorde jusqu'au pont Saint-Michel. Ce qu'il faisait de tous ces livres, si nombreux que la vie d'un homme n'aurait pas suffi pour les lire, personne ne le savait, et il le savait moins que personne. Mais ce tic avait pris chez lui les proportions d'une passion; et lorsqu'il rentrait chez lui le soir sans y rapporter un nouveau bouquin, il refaisait pour son usage le mot de Titus, et disait: «J'ai perdu ma journee.» Ses manieres calines et son langage, qui offraient une mosaique de tous les styles, les calembours terribles dont il emaillait sa conversation, avaient seduit Schaunard, qui demanda sur-le-champ a Colline la permission d'ajouter son nom a ceux qui composaient la fameuse liste dont nous avons parle.

Ils sortirent de chez la Mere Cadet a neuf heures du soir, passablement gris tous les deux, et ayant la demarche de gens qui viennent de dialoguer avec les bouteilles.

Colline offrit le cafe a Schaunard, et celui-ci accepta a la condition qu'il se chargerait des alcools. Ils monterent dans un cafe situe rue Saint-Germain-L'Auxerrois, et portant l'enseigne de Momus , dieu des jeux et des ris.

Au moment ou ils entraient dans l'estaminet, une discussion tres-vive venait de s'engager entre deux habitues de l'endroit. L'un d'eux etait un jeune homme, dont la figure se perdait au fond d'un enorme buisson de barbe multicolore. Comme une antithese a cette abondance de poil mentonnier , une calvitie precoce avait degarni son front, qui ressemblait a un genou, et dont un groupe de cheveux, si rares qu'on aurait pu les compter, essayait vainement de cacher la nudite. Il etait vetu d'un habit noir tonsure aux coudes, et laissant voir, quand il levait le bras trop haut, des ventilateurs pratiques a l'embouchure des manches. Son pantalon avait pu etre noir, mais ses bottes, qui n'avaient jamais ete neuves, paraissaient avoir deja fait plusieurs fois le tour du monde aux pieds du juif errant.

Schaunard avait remarque que son nouvel ami Colline et le jeune homme a grande barbe s'etaient salues.

– Vous connaissez ce monsieur? demanda-t-il au philosophe.

– Pas absolument, repondit celui-ci; seulement je le rencontre quelquefois a la bibliotheque. Je crois que c'est un homme de lettres.

– Il en a l'habit, du moins, repliqua Schaunard. Le personnage avec lequel discutait ce jeune homme etait un individu d'une quarantaine d'annees, voue au coup de foudre apoplectique, comme l'indiquait une grosse tete enfoncee immediatement entre les deux epaules, sans la transition du cou. L'idiotisme se lisait en lettres majuscules sur son front deprime, couvert d'une petite calotte noire. Il s'appelait M. Mouton, et etait employe a la mairie du ive arrondissement, ou il tenait le registre des deces.

– Monsieur Rodolphe! s'ecriait-il avec un organe d'eunuque, en secouant le jeune homme qu'il avait empoigne par un bouton de son habit, voulez-vous que je vous dise mon opinion? Eh bien, tous les journaux, ca ne sert a rien. Tenez, une supposition: je suis un pere de famille, moi, n'est-ce pas?… bon… Je viens faire ma partie de dominos au cafe. Suivez bien mon raisonnement.

– Allez, allez, dit Rodolphe.

– Eh bien, continua le pere Mouton, en scandant chacune de ses phrases par un coup de poing qui faisait fremir les chopes et les verres places sur la table. Eh bien, je tombe sur les journaux, bon… qu'est-ce que je vois? L'un qui dit blanc, l'autre qui dit noir, et pata ti et pata ta. Qu'est-ce que ca me fait a moi? Je suis un bon pere de famille qui vient pour faire…

– Sa partie de dominos, dit Rodolphe.

– Tous les soirs, continua M. Mouton. Eh bien, une supposition: vous comprenez…

– Tres-bien! dit Rodolphe.

– Je lis un article qui n'est pas de mon opinion. Ca me met en colere, et je me mange les sangs, parce que, voyez-vous, Monsieur Rodolphe, tous les journaux, c'est des menteries. Oui, des menteries! hurla-t-il dans son fausset le plus aigu, et les journalistes sont des brigands, des folliculaires.

– Cependant, Monsieur Mouton…

– Oui, des brigands, continua l'employe. C'est eux qui sont cause des malheurs de tout le monde; ils ont fait la revolution et les assignats; a preuve Murat.

– Pardon, dit Rodolphe, vous voulez dire Marat.

– Mais non, mais non, reprit M. Mouton; Murat, puisque j'ai vu son enterrement quand j'etais petit…

– Je vous assure…

– Meme qu'on a fait une piece au cirque, la.

– Eh bien, precisement, dit Rodolphe; c'est Murat.