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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 42
— Je suis la Resurrection et la Vie ! murmura Sara d'une voix troublee, et Catherine comprit que sa vieille amie eprouvait la meme sensation qu'elle-meme.
Quant a Ermengarde, la joie et l'orgueil eclataient sur son visage. Elle etait fiere de l'abbe. C'etait toute sa race qui parlait la, sans colere mais non sans hauteur !
— Ecoute bien, Jean de Blaisy, s'ecria Garin dont la voix se mit a monter, tremblante de fureur, jusqu'a un insoutenable fausset. Je te donne jusqu'a l'aube pour reflechir. Nous allons camper ici et ne ferons aucun mal a ton village si tu te montres raisonnable... mais seulement jusqu'a l'aube. Quand le jour se levera, ou bien ta porte s'ouvrira pour livrer passage a ma femme, ou bien nous raserons le bourg, brulerons ses maisons et donnerons l'assaut a ton abbaye.
C'etait plus qu'Ermengarde n'en pouvait endurer. Elle bondit en avant, recut en plein visage le reflet des flammes qui lui confera une sauvage grandeur.
— Bruler un village, donner l'assaut a une abbaye ? Qui donc, apres ces hauts faits, te sauvera de la colere de Philippe de Bourgogne, Garin de Brazey ? Crois-tu qu'il laissera ta maison debout, ton chateau entier, tes terres intactes et ta tete maudite sur tes epaules ? C'est le bourreau qui t'attend si tu oses lever la torche ou le glaive contre cette terre d'Eglise.
Garin eclata de rire.
— J'aurais du me douter que vous etiez la, dame Ermengarde. En verite vous veillez fidelement sur les amours de votre maitre. Le beau role que celui de mere maquerelle pour une Chateauvillain !
— Le beau role que celui de boucher pour un Brazey ! repliqua Ermengarde sans se laisser demonter. Mais, je me trompe, tu n'es pas un Brazey. On ne fait pas un cheval de bataille avec un mulet !
Le visage de Garin, malgre la couleur rouge, des flammes qui l'environnaient, parut a Catherine virer au vert. Un affreux rictus deforma sa joue blessee. Il allait hurler une injure ignoble mais le Begue de Perouges s'interposa :
— Assez palabre maintenant ! Tu as entendu ce que Brazey t'a dit, moine
? Ou bien tu nous livres la colombe ou bien demain ton bourg ne sera plus que cendres fumantes et ton monastere un tas de pierres. Et je te promets, moi, de te pendre, de mes mains, a la croix de ton eglise ! J'ai dit.
Maintenant, retirons-nous sur la place pour la nuit.
— Un instant ! coupa Jean de Blaisy. J'accepte ton defi. Demain a l'aube, je te dirai ce que j'ai decide. Mais pour l'heure j'ai quelque chose a faire...
Il se retira, murmura quelque chose a l'oreille d'un frere qui se tenait aupres de lui et, faisant signe a Ermengarde de demeurer, il descendit l'escalier du chemin de ronde.
— Que veut-il faire ? demanda Catherine.
Ermengarde fit un signe d'ignorance. Sourcils
fronces, elle examinait la troupe menacante qui etait entassee sur le parvis en pente du monastere. Inquiete sans doute, elle appela le chef des dix hommes d'armes formant son escorte, la veille, a son arrivee. L'homme revint un instant plus tard avec ses soldats. Ils portaient tous un grand arc en bois d'if et, sur un signe de la comtesse, se posterent chacun a un creneau, bandant les arcs.
— Je crois que je devine ce que veut faire mon cousin, expliqua-t-elle tranquillement a Catherine. Je prends mes precautions.
A cet instant, un chant religieux eclata sous leurs pieds, joint au grincement caracteristique du portail. D'un meme elan, les trois femmes se pencherent au creneau. En bas, aucun des hommes ne songeait a les regarder. Ils etaient stupefaits par le groupe qui venait d'apparaitre. Trois moines en robes noires sortaient de l'abbaye, de front, chantant a pleine voix : « Libera me de sanguinibus, Deus, Deus salutis mea et exultabit lingua mea justitiam tuam
!... » Celui du centre portait une grande croix de chene. Derriere eux, crosse en main, mitre en tete, recouvert jusqu'aux talons d'une grande chape brodee d'or marchait l'abbe... Il etait si majestueux sous la pompe des ornements sacres que, l'un apres l'autre, les routiers mirent pied a terre, comme sous l'emprise d'un charme. Certains s'agenouillerent. Seuls Garin et le Begue de Perouges demeurerent en selle. Mais ils semblaient changes en statue. La croix et l'abbe se dirigerent droit sur eux, approcherent sans qu'ils bougeassent.
Du haut de la muraille, Catherine bouleversee vit Jean de Blaisy se pencher sur les miserables corps qui avaient ete un homme, une femme et qui n'avaient pas encore cesse de souffrir. Maintenant que le chant des moines et les cris des hommes s'etaient tus, on pouvait distinguer leurs faibles plaintes. La main maigre de l'abbe se leva, traca un signe de croix sur les visages tortures. Catherine devina sur ses levres les paroles de pardon, vit a travers les larmes qui brouillaient ses yeux le geste d'absolution. Puis l'abbe s'ecarta. De son ombre sortit un homme en tablier de cuir portant un couteau. Ce fut tres bref. Par deux fois la lame se leva, etincela, plongea dans un c?ur. Les plaintes cesserent. Le calvaire de la petite sorciere et du grand vieillard de la foret etait termine.
Sans un regard pour les bourreaux, l'abbe de Saint-Seine s'en retourna lentement vers son monastere. Les grandes portes se refermerent sur lui. Les archers d'Ermengarde abaisserent leurs armes. Un grand silence enveloppait maintenant le village menace et le vallon plonge dans la nuit. Quand elles regagnerent leurs chambres, Catherine pleurait sans contrainte et de grosses larmes coulaient sur les joues de la comtesse.
— S'ils avaient ose toucher a un seul cheveu de l'abbe, grogna-t-elle entre ses dents, ils n'auraient pas vecu assez longtemps pour s'en vanter ! Il y avait une fleche pour Garin, une autre pour son digne compagnon !
La nuit fut, pour Catherine, une nuit d'angoisse et de larmes. Elle etait epouvantee du danger couru, a cause d'elle, par ce village et cette abbaye.
Dans son desespoir, elle voulait se livrer sur l'heure, en finir une bonne fois avec la poursuite et les terreurs. Puisque Garin, de toute maniere, serait le plus fort, a quoi bon tout cela, toutes ces souffrances ? Pourquoi faire courir de nouveaux risques a d'autres innocents ? La mort affreuse de Gervais et de Paquerette, tortures, aveugles, traines comme des betes au long d'un chemin dont Catherine devinait le martyre, l'emplissait d'horreur et de remords.
Paquerette l'avait trahie, mais auparavant elle l'avait accueillie, soignee et, si la jalousie l'avait egaree, elle n'avait tout de meme pas merite un sort aussi cruel. Catherine ne voulait pas voir bruler les maisons de Saint- Seine. Elle refusait, farouchement, de laisser couler le sang. Elle allait rejoindre son mari. Au surplus, les derniers evenements l'avaient brisee et elle eprouvait envers l'existence un etrange detachement...
Mais Ermengarde veillait. La comtesse sentait ce qui se passait dans l'ame de la jeune femme et ne la quittait pas plus que son ombre. Et quand Catherine, enfin, la supplia de la laisser aller, elle se facha.
— Ma chere, dans cette affaire, vous n'etes plus seule en cause. Je dirai meme, sans vouloir vous offenser" que vous etes devenue accessoire ! Que votre Garin se soit presente pacifiquement a la porte de cette maison, eut demande un entretien a mon cousin, lui eut calmement reclame sa femme et Jean ne pouvait lui refuser au moins de vous rencontrer. La suite des evenements eut dependu de cette entrevue. Mais il est venu en armes, accompagne d'un bandit notoire, l'insulte et la menace a la bouche. Voila ce que nous ne pouvons tolerer. Il y va de notre honneur. On ne menace pas un Blaisy dont le pere a tenu en respect le duc Philippe le Hardi en personne, pas plus qu'une Chateauvillain.
— Mais alors, que va-t-il se passer ? gemit Catherine au bord des larmes.
— Honnetement, je n'en sais rien ! Il faut attendre. Les murs de ce monastere sont solides et capables de soutenir un siege. Or, je n'ai pas remarque chez nos adversaires la moindre machine d'assaut. Pas le moindre mangonneau, pas le plus petit trebuchet et encore moins de tours roulantes.
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