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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 47


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Ce bain etait un repit bienfaisant, inattendu, avant une suite qu'elle osait a peine imaginer. Etendue de tout son long, elle s'efforca de faire le vide dans son esprit. Cet instant de remission serait peut-etre le dernier. Il fallait en profiter pleinement. Apres...

Catherine aurait voulu demeurer des heures dans cette eau tiede ou ses douleurs s'apaisaient, ou la brulure des ecorchures se faisait plus sourde. Mais, apparemment, Gilles de Rais n'entendait pas la laisser l'oublier trop longtemps. Les chambrieres la sortirent enfin de l'eau, la vetirent d'une fine chemise de soie, puis d'une dalmatique a larges manches, faite d'un lourd samit1 blanc raye de vert.

Mais quand les deux femmes voulurent s'occuper de ses cheveux, elle les repoussa et leur montra la porte d'un geste si farouche que les servantes apeurees, craignant sans doute quelque malefice, n'insisterent pas et se haterent de lui obeir. Catherine, en effet, ne se souciait pas de leur faire constater que son opulente chevelure noire n'etait pas tout a fait a elle.

Demeuree seule, elle defit ses nattes, brossa et peigna longuement ses cheveux pour les debarrasser de la poussiere, puis refit posement sa coiffure qu'elle consolida en tressant des rubans blancs dans ses cheveux, vrais et faux. Ensuite, elle rectifia le trace de ses sourcils, les lissa d'un doigt soigneux, aviva la teinte de ses levres. Pour se battre, meme en desesperee, il valait mieux etre bien armee et Catherine aimait etre en pleine possession de tous ses moyens de femme.

1 Soie epaisse.

Propre et bien vetue, sure d'etre belle malgre son apparence etrange, elle se retrouvait Catherine de Montsalvy comme devant. D'ailleurs, elle s'avouait volontiers qu'elle avait peine a assimiler la personnalite d'emprunt qu'elle avait choisie. Mais, puisqu'elle s'etait jetee a l'eau, il fallait bien nager. Si seulement elle pouvait calmer les crampes de son estomac affame...

Avec decision, elle ouvrit la porte de l'etuve, se retrouva en face des chambrieres et des gardes. Son apparition fit briller les yeux des hommes d'armes, mais elle s'en soucia peu.

— Je suis prete ! dit-elle seulement.

Et elle se mit en marche d'un pas ferme, comme si elle allait a la bataille. Quelques instants plus tard, elle reintegrait la chambre de Gilles de Rais. Ce fut pour constater avec soulagement qu'une table toute servie l'y avait precedee. Elle nota le fait avec satisfaction.

Quand on a envie de tuer quelqu'un, en general, on ne commence pas par le nourrir !

Evidemment, le maitre des lieux etait la, lui aussi, nonchalamment assis dans une haute chaire d'ebene sculpte, mais Catherine, oubliant sa terreur et devant qui elle se trouvait, ne vit que l'appetissante volaille, doree a point, qui fumait dans un plat d'argent repandant une odeur delicieuse. Des pates, des bassins de confitures et des flacons l'entouraient. Les narines de la jeune femme se mirent a palpiter...

Cependant, Gilles de Rais observait sa prisonniere. Un geste autoritaire de sa main pale l'appela aupres de lui.

— Tu as faim ?

Sans repondre, elle secoua la tete affirmativement.

— Alors, assieds-toi... et mange !

Elle ne se le fit pas dire deux fois. Attirant un escabeau, elle s'installa a table, s'empara d'un pate et s'en tailla une large tranche qu'elle se mit a faire disparaitre avidement. Jamais elle n'avait rien mange de si bon.

Apres les abominables brouets des bohemiens, ce pate etait un vrai delice. Elle en avala une deuxieme tranche puis la moitie de la volaille suivit le meme chemin tan dis que Gilles emplissait pour elle un grand gobelet d'un vin epais et rutilant. Catherine accepta le vin comme le reste et vida le gobelet d'un trait. Elle se sentit ensuite tellement mieux qu'elle ne remarqua pas le regard aigu dont son hote l'enveloppait : l'exact regard du chat guettant la souris. Elle se sentait, tout a coup, capable d'affronter Satan lui-meme. La chaleur du vin sans doute.

Gilles s'accouda sur la nappe de lin brode pour mieux la voir grignoter des prunes confites. Sa faim calmee, Catherine lui jeta un regard rapide, attendant qu'il parlat. Mais il ne se decidait pas et le silence devenait insupportable. Alors ce fut elle qui commenca. Essuyant ses levres et ses mains a une serviette de soie, elle poussa un soupir de satisfaction, parvint a sourire a son inquietant vis-a-vis. Elle savait que montrer sa peur la denoncerait a coup sur.

— Grand merci du repas, gentil seigneur. Je crois bien que, de toute ma vie, je n'ai mange d'aussi bonnes choses !

— Jamais... vraiment ?

— Vraiment. Nos feux de plein vent ne savent pas cuire de telles merveilles ! Nous sommes de pauvres gens, seigneur, et...

— Je ne parlais pas des miserables marmites d'Egyptiens, coupa Gilles de Rais froidement, mais bien des cuisines de Philippe de Bourgogne qui se fait appeler le Grand Duc d'Occident. Je les aurais crues plus raffinees.

Et comme Catherine, petrifiee, ne trouvait rien a repliquer, il se leva et vint jusqu'a la jeune femme sur laquelle il se pencha.

— Vous jouez la comedie en grande artiste, ma chere Catherine, et j'ai apprecie en connaisseur votre... creation, surtout dans la scene du combat. Je n'aurais jamais cru que la dame de Brazey sut se battre nomme une fille des rues. Mais ne croyez-vous pas qu'avec moi il vaudrait mieux jouer franc jeu ?

Un sourire amer arqua les levres de Catherine.

— Ainsi, vous m'avez reconnue ?

— Je n'ai pas eu grand mal : je savais que vous etiez ici, sous le deguisement d'une zingara.

— Comment avez-vous pu le savoir ?

— J'ai des espions partout ou il est utile d'en avoir. J'en ai, entre autres, au chateau d'Angers. L'un d'eux vous a reconnue pour vous avoir vue a Champtoce. Il vous a suivie lorsque vous etes allee chez Guillaume l'Enlumineur. Je dois dire que cet affreux bonhomme a fait quelques difficultes pour nous parler de vous et de votre deguisement, bien que nous nous soyons montres tres persuasifs...

— C'est vous qui l'avez torture... egorge ? s'ecria la jeune femme epouvantee. J'aurais du reconnaitre votre maniere !

— C'est moi, en effet. Malheureusement, il ne nous a pas confie la raison de cette mascarade, malgre nos instances.

— Pour l'excellente raison qu'il l'ignorait !

— J'etais deja parvenu a cette conclusion. Aussi, je compte sur vous pour me l'apprendre. Notez, cependant, que je m'en doute...

Cette haute silhouette sombre penchee sur elle communiquait a Catherine un malaise insupportable. Pour s'en degager, elle se leva, s'eloigna vers la fenetre ouverte et s'y adossa. Son regard croisa celui de Gilles et le soutint.

— Et que suis-je venue faire ici, selon vous ?

— Reprendre votre bien. C'est assez legitime et c'est un genre d'entreprise que je peux comprendre.

— Mon bien ?

Gilles de Rais n'eut pas le temps de repondre. On avait frappe a la porte qui s'ouvrit sans que le visiteur attendit la permission d'entrer.

Deux gardes armes de pertuisanes penetrerent et s'immobiliserent de chaque cote de la porte basse. Sur le seuil apparut un personnage aussi large que haut, veritable masse de graisse drapee dans des aunes de velours cisele d'or que dominait un visage rouge, bouffi et arrogant termine par une courte barbe brune.

— Mon cousin, s'ecria le visiteur. Je viens souper avec toi ! On meurt d'ennui chez le Roi.

Instinctivement, Catherine avait eu un mouvement de recul en reconnaissant Georges de La Tremoille. Une vague de sang lui monta au visage, joie, colere et haine melangees. Elle ne s'attendait pas a voir, si vite, l'homme qu'elle etait venu chercher au prix de tant de peines. Avec une joie feroce, elle constata qu'il etait plus gros que jamais, que sa peau, enflee de mauvaise graisse, etait jaune et que son souffle court disait assez la sante delabree par les exces. Mais, comme elle poursuivait l'examen minutieux de son ennemi, elle demeura bouche bee, etranglee de stupeur en contemplant la bizarre coiffure que portait le Grand Chambellan. C'etait une sorte de turban d'or qui accentuait encore son allure de satrape oriental, mais, dans les plis du turban, un diamant noir etincelait de tous ses feux..., l'unique, l'inimitable et tres reconnaissable diamant noir de Garin de Brazey !