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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 46


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— Laissez aller celle-la et renvoyez-moi cette racaille d'Egypte dans ses tanieres a coups de fouet.

— Et cette femme, monseigneur ? demanda l'un des hommes qui tenaient Catherine.

Le c?ur de celle-ci manqua un battement quand la voix dedaigneuse ordonna :

— Emmenez-la !

La nuit etait tombee, comme un rideau noir, quand Catherine etourdie se retrouva dans une chambre du donjon ou les archers l'avaient poussee sans trop de douceur. Elle avait eu un mouvement de terreur lorsque ses gardiens l'avaient entrainee au centre du chateau, vers cette enorme tour, si haute que, de son couronnement, on pouvait apercevoir les toits de Tours, car elle avait craint d'etre jetee dans une de ces basses-fosses affreuses dont elle avait fait l'experience a Rouen.

Mais non, la piece ou elle se trouvait etait vaste, bien meublee. Ses murs de pierre disparaissaient sous des tentures de toile brodee et des soieries orientales dans les tons rouge sombre et argent tandis que des coussins, jetes un peu partout, etoilaient de bleu le dallage timbre aux armes, pals rouge et or, de la famille d'Amboise, depossedee depuis si peu de temps de son domaine par la volonte royale.

Catherine resista a l'attraction du grand lit carre, tapi dans un coin, sous ses courtines relevees, qui lui offrait la douceur de ses draps de lin blanc et de ses couvertures veloutees. Dormir ! Etendre la son corps meurtri, couvert de contusions et d'ecchymoses. Mais la grande epee posee sur une table, l'armure dressee dans un coin, les vetements masculins jetes sur les sieges et les coffres, ouverts sur de precieux objets de toilette ou debordants de soieries et de fourrures, tout cela lui disait trop clairement qu'elle se trouvait dans la propre chambre de Gilles de Rais. Elle ne savait plus tres bien ou elle en etait, mais la peur, elle, etait toujours la, tenace, accablante. Les souvenirs qu'elle gardait de son sejour chez Gilles de Rais se revelaient trop cuisants pour qu'il en fut autrement. Au fond, elle n'avait fait que changer de cauchemar, en echappant au couteau de Dunicha, et celui-ci etait pire que l'autre. Ce qui la tourmentait, c'etait ce que Gilles allait faire d'elle. Pourquoi l'avoir amenee ici ? Il ne pouvait pas l'avoir reconnue.

Alors ? Si elle etait demasquee, sa mort etait une affaire sure, simplement differee. Mais si elle ne l'etait pas ? Elle connaissait assez son gout du sang pour savoir qu'il n'hesiterait pas a tuer une Tzigane s'il en avait envie. Il pouvait aussi la violer, puis la tuer... De toute facon elle en arrivait au meme point navrant : la mort. Quelle raison, autre que s'en amuser, pouvait avoir Gilles de Rais de trainer chez lui une fille de Boheme ? Sur ses pieds nus, elle alla jusqu'a la cheminee ou ronflait un grand feu et se laissa tomber sur un banc garni de coussins. La chaleur lui fit du bien. Elle lui tendit avec reconnaissance ses mains meurtries. Sous la grossiere chemise dechiree, qui, seule, la vetait, son corps tremblait de froid, mais le feu luttait victorieusement contre l'humidite du fleuve et la fraicheur de la nuit. Sans que la jeune femme y prit garde, ses yeux s'etaient emplis de larmes. Une a une, elles roulaient sur la toile rude. Catherine avait faim... D'ailleurs, depuis son arrivee au camp tzigane, elle avait toujours eu faim. Elle avait mal partout, mais, surtout, elle etait lasse, moralement plus encore que physiquement. Le bilan des derniers evenements etait plutot accablant : elle etait tombee aux mains de Gilles de Rais, son ennemi ; Sara avait mysterieusement disparu, sans parler de Tristan l'Hermite dont elle preferait ne pas chercher a expliquer la conduite.

Cela ressemblait trop a un abandon.

Dans son chagrin, elle ne tenait aucun compte du fait qu'apres_ tout elle se trouvait enfin dans ce chateau ou elle avait tant desire entrer.

Ce furent les bruits exterieurs qui, curieusement, lui en rendirent conscience. Les murs formidables du donjon les etouffaient, mais, par l'etroite fenetre ouverte, entrerent les echos d'une chanson. La, dans le logis royal, de l'autre cote de la cour, un homme chantait sur un accompagnement de harpe.

Belle, quelle est votre pensee ?

Que vous semble de moi ? Point ne me le celez...

Catherine redressa la tete, rejetant la meche noire qui lui mangeait le front. Cette chanson etait la chanson favorite de Xaintrailles et, derriere la voix etudiee du chanteur, il lui semblait entendre encore celle, nonchalante et plutot fausse, de son vieil ami. C'etait cela que chantait Xaintrailles dans le champ clos d'Arras et ce rappel de ses plus chers souvenirs galvanisa Catherine. Ses idees se firent plus claires. Son sang coula mieux dans ses veines et peu a peu elle recouvra la maitrise d'elle-meme. Quelques mots prononces par le connetable de Richemont lui revenaient : « La Tremoille ne partage meme pas le logis du Roi. C'est dans le donjon, sous la garde de cinquante hommes armes, qu'il passe la nuit... » Le donjon ? Mais elle y etait ! Instinctivement, elle leva la tete vers la voute de pierre dont les croisees d'ogive se perdaient dans l'ombre. Cette chambre etait au premier etage. L'homme qu'elle cherchait devait vivre la, au-dessus de sa tete... a portee de sa main et, a cette pensee, son c?ur bondit.

Elle etait si bien absorbee par ses pensees qu'elle n'entendit pas la porte s'ouvrir. Silencieusement, Gilles de Rais s'approcha de la cheminee. C'est seulement quand il se dressa devant elle que Catherine s'apercut de sa presence. Pour demeurer fidele a son personnage, elle se leva vivement avec une mine effrayee, que d'ailleurs elle n'avait pas besoin de feindre ; la seule presence de cet homme avait le don de la terrifier. Son c?ur affole battait sur un rythme effrayant, mais elle n'eut meme pas le temps d'ajouter un mot.

Gilles l'avait saisie aux epaules d'un geste brusque et il avait pris ses levres. Mais il la rejeta aussitot :

— Pouah ! Tu empestes, ma belle ! C'est qu'aussi on n'est pas sale comme tu l'es !

Elle s'attendait a tout sauf a cela. Pourtant, chose etrange, elle se sentit ulceree. Elle savait bien qu'elle etait sale, mais se l'entendre dire etait insupportable. Cependant, s'ecartant d'elle, il frappait dans ses mains. Un garde parut, arme jusqu'aux dents. Il s'entendit intimer l'ordre d'aller chercher deux chambrieres. Quand l'homme revint avec les servantes, Gilles de Rais leur designa Catherine qui, mefiante, demeurait blottie sur son banc.

— Conduisez cette aimable personne aux etuves. Et prenez-en grand soin. Toi, l'archer, tu veilleras a ce que ma prisonniere ne nous echappe pas.

Bon gre mal gre, il fallut que Catherine, furieuse et infiniment plus vexee qu'elle ne voulait l'admettre, suivit ses gardiens. Un peu d'amusement se glissait dans sa mauvaise humeur car, derriere son dos, elle avait vu l'une des chambrieres diriger contre elle deux doigts en forme de corne. Les deux filles devaient avoir une peur bleue de cette zingar'a dont il leur fallait s'occuper. C'etait tout a l'honneur de son deguisement, mais, d'autre part, une inquietude lui venait troublant desagreablement sa joie d'etre bientot debarrassee de sa crasse ; la teinture de Guillaume l'Enlumineur allait-elle resister au bain ? Ses cheveux etaient toujours du plus beau noir, encore qu'une bonne dose de poussiere s'y melat et, dans une pochette que Sara avait confectionnee a l'interieur meme de sa chemise, elle avait toujours les deux petites boites que le vieil artiste lui avait donnees. Mais sa peau ?

Elle fut vite rassuree. La couleur tenait bon. C'est a peine si le bain prit une legere teinte jaunatre et Catherine s'abandonna tout entiere a la volupte de l'eau chaude et des huiles parfumees. Son corps malmene y trouva un extraordinaire bien-etre tandis que son esprit s'y delassait aussi. Elle ferma les yeux, essayant de mettre un peu d'ordre dans ses pensees, de calmer l'angoisse tenace qui lui serrait la gorge.