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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 36
Ainsi teinte, son corps semblait plus mince et plus nerveux. Les longues meches noires croulaient dessus comme de minces serpents et glissaient jusqu'a ses hanches. Ses levres pourpres eclataient comme une fleur sensuelle et ses grands yeux scintillaient, etoiles sombres nichees sous l'arc orgueilleux des sourcils.
— Tu as l'air d'une diablesse, murmura sourdement Sara.
— Et diablesse je serai tant que l'homme que je hais ne sera pas abattu.
— As-tu songe aux autres, a tous ceux que tu vas attirer et qui oseront tout maintenant que ton nom et ton rang ne te defendront plus
? Tu ne seras plus qu'une fille de Boheme, que l'on peut violer ou pendre a son gre quand on ne la destine pas au bucher, une creature dangereuse et maudite.
— Je sais. Et je me defendrai avec les armes de mon personnage.
Tous les moyens me seront bons pour reussir.
— Te donnerais-tu a un homme s'il le fallait ? demanda Sara gravement.
— Au bourreau lui-meme si c'etait necessaire. Je ne suis plus Catherine de Montsalvy, je suis une fille de ta race. Et je m'appelle...
au fait, comment vas-tu me nommer ?
Sara reflechit un instant, clignant des yeux et mordillant la croix d'or pendue a son cou. Au bout de ce laps de temps, elle decreta : Je t'appellerai Tchalai... Cela veut dire « etoile » dans notre langue...
mais, jusqu'a ce que nous soyons arrivees, tu resteras Catherine comme devant. Non, decidement, je n'aime pas beaucoup cette aventure.
Catherine se detourna et, sauvagement, elle s'ecria :
— Et moi ? Crois-tu que je l'aime ? Mais je sais bien que, si je ne pouvais mener ma tache a bonne fin, je n'aurais plus de repos, ni dans ce monde ni dans l'autre. Il faut que je venge Arnaud, que je venge Montsalvy brule, mon fils depouille ! Sinon, que pourrait valoir encore la vie ?
Dans la matinee, Catherine, assise sagement sur un tabouret, laissait Sara rattacher les faux cheveux noirs et en faire de longues nattes quand on frappa a la porte. Sara alla ouvrir. Sur le seuil, Tristan l'Hermite apparut. Il avanca de quelques pas et entra dans le rayon de soleil leger qui tombait de la haute fenetre. Sa paleur alors se revela, frappante, si tragique que les deux femmes, instinctivement, se rapprocherent.
— Vous etes bleme, balbutia Catherine. Qu'avez- vous ?
— Moi, rien. Mais Guillaume l'enlumineur a ete egorge cette nuit dans sa maison. Sa servante a trouve son corps en venant l'eveiller et...
il a ete torture avant de mourir !
Un effrayant silence suivit ces terribles paroles. Catherine sentit le sang abandonner son visage et ses membres pour refluer a son c?ur, mais trouva la force de demander :
— Pensez-vous que ce soit... a cause de nous ?
Tristan haussa les epaules et, sans ceremonie, se
laissa choir sur un tabouret. Les soucis marquaient tellement son visage impassible qu'il semblait avoir vieilli de dix ans. Sans rien dire, Sara alla prendre un flacon de vin de Malvoisie pose sur un dressoir, emplit un gobelet et vint tendre le tout au Flamand.
— Buvez ca. Vous en avez besoin.
Il accepta le gobelet avec reconnaissance et avala le vin d'un trait Catherine avait noue ses mains sur ses genoux pour les empecher de trembler et luttait contre la terreur qui l'avait saisie.
— Repondez-moi franchement, reprit-elle d'une voix qui demeura calme a force de volonte. Est-ce a cause du travail que nous lui avons demande ?
Tristan l'Hermite ecarta les bras dans un geste d'ignorance.
— Qui peut savoir ? Guillaume avait surement des ennemis car ses activites n'etaient pas toujours avouables. Plus d'une fille en mal d'enfant a ete discretement delivree par ces mains habiles que vous admiriez hier. Il se peut que ce ne soit qu'une coincidence.
— Mais vous n'y croyez pas ?
— Honnetement, je ne sais pas ce que je crois. J'ai seulement voulu vous avertir pour savoir ce que vous decidiez. Vous pouvez changer d'avis et, dans ce cas, je vais convoquer de nouveau le conseil.
Il se levait deja, mais Catherine l'arreta d'un geste preste.
— Non ! Demeurez ! J'ai eu peur un instant tout a l'heure, je l'avoue. Vous etiez si pale. Mais maintenant cela va mieux. Je n'ai pas envie de reculer. Il est trop tard. Le plan est bon, je le suivrai jusqu'au bout. Libre a vous d'abandonner.
Le lourd visage du Flamand se plissa en une affreuse grimace.
— Vous me prenez pour un lache, dame Catherine ? Quand j'entreprends quelque chose, je vais jusqu'au bout, quelles qu'en puissent etre les consequences. Et je ne tiens nullement a etre jete dans un cul-de-basse- fosse par les ordres de Monseigneur le Connetable. Si vous etes d'accord, nous partirons cette nuit. Un sauf-conduit que j'ai deja nous ouvrira les portes de la ville. Il vaut mieux qu'on ne vous voie pas partir. De meme qu'il est preferable que vous ne quittiez pas votre chambre aujourd'hui. Reposez-vous, vous en aurez besoin. La reine viendra ce soir, apres vepres, vous voir ici meme.
—
C'est entendu ainsi. Je n'avais pas non plus l'intention d'agir autrement.
—
Dans ce cas... je peux dire a messire de Breze que vous etes souffrante et ne voulez voir personne ? - Le pouce de'Tristan, retourne, designait la porte. Il ajouta : Il est la dans le couloir, a faire les cent pas.
—
Dites ce que vous voudrez... par exemple, que je le recevrai demain.
Le mince sourire du Flamand repondit a celui qu'elle lui adressait et, comme par miracle, l'atmosphere s'en trouva detendue. Seule, Sara conserva une mine sombre.
—
Nous allons nous jeter dans un affreux guepier, Catherine, fit-elle. Je pense que tu t'en doutes ?
Mais la jeune femme haussa les epaules avec impatience et reprit le miroir qu'elle avait pose.
— Et apres ? fit-elle durement.
— Voila la taniere d'ou il faut debusquer la bete fauve, dit Tristan l'Hermite en designant de son fouet le chateau de l'autre cote du fleuve. Vous voyez qu'il se garde bien.
Arretes sur la rive droite de la Loire, pres de l'antique pont romain, les trois cavaliers examinaient le lieu de leurs futures activites.
Sanglee dans un costume de garcon en drap brun dont le camail ne laissait passer que son visage bruni, Catherine supputait du regard l'eperon rocheux, couche le long du fleuve comme un lion sommeillant et la forteresse qui le couronnait : des courtines severes et noires, une dizaine de tours massives enfermant un donjon sans legerete, des hourds et des machicoulis qui avaient l'habitude de servir, tout cela contrastait avec la grace de ce paysage fluvial, tendrement reverdi par le printemps. Seule, une foret de bannieres flottant sur les murs et dominees par l'embleme royal mettait quelque gaiete dans le rude edifice.
Sara rejeta en arriere le capuchon monastique qui la coiffait et regarda le chateau avec mefiance.
— Si jamais nous entrons la-dedans, nous n'en sortirons pas vivantes.
— Nous sommes sorties de chateaux plus dangereux. Rappelle-toi Champtoce et Gilles de Rais.
— Merci, je n'ai pas oublie que le seigneur a la barbe bleue voulait me faire griller toute vive, repondit la bohemienne en frissonnant.
Durant tout le temps que nous sommes restees a Angers j'ai pense que nous en etions bien proches. Mais puisque nous voici a destination, que faisons-nous ?
Tristan se detourna sur sa selle et son fouet designa une petite auberge qui se dressait de l'autre cote du chemin, face au pont et dont l'enseigne verte, jaune et rouge proclamait qu'au « Pressoir Royal » on buvait le meilleur vin de Vouvray.
— Vous allez entrer ici et m'attendre. Je dois voir le chef de la tribu. Installez-vous, reposez-vous, mangez, mais ne buvez pas trop.
Le vin de Vouvray est agreable... mais il monte a la tete.
— Nous prenez-vous pour des ivrognesses ? s'insurgea Sara.
— Nullement..., mon reverend. Mais les moines ont si mauvaise reputation ! Ne bougez surtout pas avant que je ne revienne.
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