Выбери любимый жанр

Вы читаете книгу


Montaigne Michel de - Les Essais – Livre III Les Essais – Livre III

Выбрать книгу по жанру

Фантастика и фэнтези

Детективы и триллеры

Проза

Любовные романы

Приключения

Детские

Поэзия и драматургия

Старинная литература

Научно-образовательная

Компьютеры и интернет

Справочная литература

Документальная литература

Религия и духовность

Юмор

Дом и семья

Деловая литература

Жанр не определен

Техника

Прочее

Драматургия

Фольклор

Военное дело

Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
К книге
Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
К книге
Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
К книге
ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
К книге
Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
К книге

Les Essais – Livre III - Montaigne Michel de - Страница 9


9
Изменить размер шрифта:

Il y a des naturels particuliers, retirez et internes: Ma forme essentielle, est propre a la communication, et a la production: je suis tout au dehors et en evidence, nay a la societe et a l'amitie: La solitude que j'ayme, et que je presche, ce n'est principallement, que ramener a moy mes affections, et mes pensees: restreindre et resserrer, non mes pas, ains mes desirs et mon soucy, resignant la solicitude estrangere, et fuyant mortellement la servitude, et l'obligation: et non tant la foule des hommes, que la foule des affaires. La solitude locale, a dire verite, m'estend plustost, et m'eslargit au dehors: je me jette aux affaires d'estat, et a l'univers, plus volontiers quand je suis seul. Au Louvre et en la presse, je me resserre et contraints en ma peau. La foule me repousse a moy. Et ne m'entretiens jamais si folement, si licentieusement et particulierement, qu'aux lieux de respect, et de prudence ceremonieuse: Nos folies ne me font pas rire, ce sont nos sapiences. De ma complexion, je ne suis pas ennemy de l'agitation des cours: j'y ay passe partie de la vie: et suis faict a me porter allaigrement aux grandes compagnies: pourveu que ce soit par intervalles, et a mon poinct. Mais cette mollesse de jugement, dequoy je parle, m'attache par force a la solitude. Voire chez moy, au milieu d'une famille peuplee, et maison des plus frequentees, j'y voy des gens assez, mais rarement ceux, avecq qui j'ayme a communiquer. Et je reserve la, et pour moy, et pour les autres, une liberte inusitee: Il s'y faict trefve de ceremonie, d'assistance, et convoiemens, et telles autres ordonnances penibles de nostre courtoisie (o la servile et importune usance) chacun s'y gouverne a sa mode, y entretient qui veut ses pensees: je m'y tiens muet, resveur, et enferme, sans offence de mes hostes.

Les hommes, de la societe et familiarite desquels je suis en queste, sont ceux qu'on appelle honnestes et habiles hommes: l'image de ceux icy me degouste des autres. C'est a le bien prendre, de nos formes, la plus rare: et forme qui se doit principallement a la nature. La fin de ce commerce, c'est simplement la privaute, frequentation, et conference: l'exercice des ames, sans autre fruit. En nos propos, tous subjects me sont egaux: il ne me chaut qu'il y ayt ny poix, ny profondeur: la grace et la pertinence y sont tousjours: tout y est teinct d'un jugement meur et constant, et mesle de bonte, de franchise, de gayete et d'amitie. Ce n'est pas au subject des substitutions seulement, que nostre esprit montre sa beaute et sa force, et aux affaires des Roys: il la montre autant aux confabulations privees. Je congnois mes gens au silence mesme, et a leur soubs-rire, et les descouvre mieux a l'advanture a table, qu'au conseil. Hippomachus disoit bien qu'il congnoissoit les bons lucteurs, a les voir simplement marcher par une rue. S'il plaist a la doctrine de se mesler a nos devis, elle n'en sera point refusee: Non magistrale, imperieuse, et importune, comme de coustume, mais suffragante et docile elle mesme. Nous n'y cherchons qu'a passer le temps: a l'heure d'estre instruicts et preschez, nous l'irons trouver en son throsne. Qu'elle se demette a nous pour ce coup s'il luy plaist: car toute utile et desirable qu'elle est, je presuppose, qu'encore au besoing nous en pourrions nous bien du tout passer, et faire nostre effect sans elle. Une ame bien nee, et exercee a la practique des hommes, se rend plainement aggreable d'elle mesme. L'art n'est autre chose que le contrerolle, et le registre des productions de telles ames.

C'est aussi pour moy un doux commerce, que celuy des belles et honnestes femmes: nam nos quoque oculos eruditos habemus . Si l'ame n'y a pas tant a jouyr qu'au premier, les sens corporels qui participent aussi plus a cettuy-cy, le ramenent a une proportion voisine de l'autre: quoy que selon moy, non pas esgalle. Mais c'est un commerce ou il se faut tenir un peu sur ses gardes: et notamment ceux en qui le corps peut beaucoup, comme en moy. Je m'y eschauday en mon enfance: et y souffris toutes les rages, que les poetes disent advenir a ceux qui s'y laissent aller sans ordre et sans jugement. Il est vray que ce coup de fouet m'a servy depuis d'instruction.

Quicumque Argolica de classe Capharea fugit,

Semper ab Euboicis vela retorquet aquis .

C'est folie d'y attacher toutes ses pensees, et s'y engager d'une affection furieuse et indiscrette: Mais d'autre part, de s'y mesler sans amour, et sans obligation de volonte, en forme de comediens, pour jouer un rolle commun, de l'aage et de la coustume, et n'y mettre du sien que les parolles: c'est de vray pourvoir a sa seurete: mais bien laschement, comme celuy qui abandonneroit son honneur ou son proffit, ou son plaisir, de peur du danger: Car il est certain, que d'une telle pratique, ceux qui la dressent, n'en peuvent esperer aucun fruict, qui touche ou satisface une belle ame. Il faut avoir en bon escient desire, ce qu'on veut prendre en bon escient plaisir de jouyr: Je dy quand injustement fortune favoriseroit leur masque: ce qui advient souvent, a cause de ce qu'il n'y a aucune d'elles, pour malotrue qu'elle soit, qui ne pense estre bien aymable, qui ne se recommande par son aage, ou par son poil, ou par son mouvement (car de laides universellement, il n'en est non plus que de belles) et les filles Brachmanes, qui ont faute d'autre recommendation, le peuple assemble a cri publiq pour cest effect, vont en la place, faisans montre de leurs parties matrimoniales: veoir, si par la aumoins elles ne valent pas d'acquerir un mary.

Par consequent il n'en est pas une qui ne se laisse facilement persuader au premier serment qu'on luy fait de la servir. Or de cette trahison commune et ordinaire des hommes d'aujourd'huy, il faut qu'il advienne, ce que desja nous montre l'experience: c'est qu'elles se r'allient et rejettent a elles mesmes, ou entre elles, pour nous fuyr: ou bien qu'elles se rengent aussi de leur coste, a cet exemple que nous leur donnons: qu'elles jouent leur part de la farce, et se prestent a cette negociation, sans passion, sans soing et sans amour: Neque affectui suo aut alieno obnoxi? . Estimans, suyvant la persuasion de Lysias en Platon, qu'elles se peuvent addonner utilement et commodement a nous, d'autant plus, que moins nous les aymons.

Il en ira comme des comedies, le peuple y aura autant ou plus de plaisir que les comediens.

De moy, je ne connois non plus Venus sans Cupidon, qu'une maternite sans engeance: Ce sont choses qui s'entreprestent et s'entredoivent leur essence. Ainsi cette piperie rejallit sur celuy qui la fait: il ne luy couste guere, mais il n'acquiert aussi rien qui vaille. Ceux qui ont faict Venus Deesse, ont regarde que sa principale beaute estoit incorporelle et spirituelle. Mais celle que ces gens cy cerchent, n'est pas seulement humaine, ny mesme brutale: les bestes ne la veulent si lourde et si terrestre. Nous voyons que l'imagination et le desir les eschauffe souvent et solicite, avant le corps: nous voyons en l'un et l'autre sexe, qu'en la presse elles ont du choix et du triage en leurs affections, et qu'elles ont entre-elles des accointances de longue bien-vueillance. Celles mesmes a qui la vieillesse refuse la force corporelle, fremissent encores, hannissent et tressaillent d'amour. Nous les voyons avant le faict, pleines d'esperance et d'ardeur: et quand le corps a joue son jeu, se chatouiller encor de la douceur de cette souvenance: et en voyons qui s'enflent de fierte au partir de la, et qui en produisent des chants de feste et de triomphe, lasses et saoules: Qui n'a qu'a descharger le corps d'une necessite naturelle, n'a que faire d'y embesongner autruy avec des apprests si curieux. Ce n'est pas viande a une grosse et lourde faim.

Comme celuy qui ne demande point qu'on me tienne pour meilleur que je suis, je diray cecy des erreurs de ma jeunesse: Non seulement pour le danger qu'il y a de la sante, (si n'ay-je sceu si bien faire, que je n'en aye eu deux atteintes, legeres toutesfois, et preambulaires) mais encores par mespris, je ne me suis guere adonne aux accointances venales et publiques. J'ay voulu aiguiser ce plaisir par la difficulte, par le desir et par quelque gloire: Et aymois la facon de l'Empereur Tibere, qui se prenoit en ses amours, autant par la modestie et noblesse, que par autre qualite: Et l'humeur de la courtisane Flora, qui ne se prestoit a moins, que d'un Dictateur, ou Consul, ou Censeur: et prenoit son deduit, en la dignite de ses amoureux: Certes les perles et le brocadel y conferent quelque chose: et les tiltres, et le train. Au demeurant, je faisois grand compte de l'esprit, mais pourveu que le corps n'en fust pas a dire: Car a respondre en conscience, si l'une ou l'autre des deux beautez devoit necessairement y faillir, j'eusse choisi de quitter plustost la spirituelle: Elle a son usage en meilleures choses: Mais au subject de l'amour, subject qui principallement se rapporte a la veue et a l'atouchement, on faict quelque chose sans les graces de l'esprit, rien sans les graces corporelles. C'est le vray advantage des dames que la beaute: elle est si leur, que la nostre, quoy qu'elle desire des traicts un peu autres, n'est en son point, que confuse avec la leur, puerile et imberbe. On dit que chez le grand Seigneur, ceux qui le servent sous titre de beaute, qui sont en nombre infini, ont leur conge, au plus loing, a vingt et deux ans.

Les discours, la prudence, et les offices d'amitie, se trouvent mieux chez les hommes: pourtant gouvernent-ils les affaires du monde.

Ces deux commerces sont fortuites, et despendans d'autruy: l'un est ennuyeux par sa rarete, l'autre se flestrit avec l'aage: ainsin ils n'eussent pas assez prouveu au besoing de ma vie. Celuy des livres, qui est le troisiesme; est bien plus seur et plus a nous. Il cede aux premiers, les autres advantages: mais il a pour sa part la constance et facilite de son service: Cettuy-cy costoye tout mon cours, et m'assiste par tout: il me console en la vieillesse et en la solitude: il me descharge du poix d'une oisivete ennuyeuse: et me deffait a toute heure des compagnies qui me faschent: il emousse les pointures de la douleur, si elle n'est du tout extreme et maistresse: Pour me distraire d'une imagination importune, il n'est que de recourir aux livres, ils me destournent facilement a eux, et me la desrobent: Et si ne se mutinent point, pour voir que je ne les recherche, qu'au deffaut de ces autres commoditez, plus reelles, vives et naturelles: ils me recoivent tousjours de mesme visage.

Il a bel aller a pied, dit-on, qui meine son cheval par la bride: Et nostre Jacques Roy de Naples, et de Sicile, qui beau, jeune, et sain, se faisoit porter par pays en civiere, couche sur un meschant oriller de plume, vestu d'une robe de drap gris, et un bonnet de mesme: suivy ce pendant d'une grande pompe royalle, lictieres, chevaux a main de toutes sortes, gentils-hommes et officiers: representoit une austerite tendre encores et chancellante. Le malade n'est pas a plaindre, qui a la guarison en sa manche. En l'experience et usage de cette sentence, qui est tres-veritable, consiste tout le fruict que je tire des livres. Je ne m'en sers en effect, quasi non plus que ceux qui ne les cognoissent poinct: J'en jouys, comme les avaritieux des tresors, pour scavoir que j'en jouyray quand il me plaira: mon ame se rassasie et contente de ce droict de possession. Je ne voyage sans livres, ny en paix, ny en guerre. Toutesfois il se passera plusieurs jours, et des mois, sans que je les employe: Ce sera tantost, dis-je, ou demain, ou quand il me plaira: le temps court et s'en va ce pendant sans me blesser. Car il ne se peut dire, combien je me repose et sejourne en cette consideration, qu'ils sont a mon coste pour me donner du plaisir a mon heure: et a reconnoistre, combien ils portent de secours a ma vie: C'est la meilleure munition que j'aye trouve a cet humain voyage: et plains extremement les hommes d'entendement, qui l'ont a dire. J'accepte plustost toute autre sorte d'amusement, pour leger qu'il soit: d'autant que cettuy-cy ne me peut faillir.