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Франция: Общественно-политические реалии - Конобеев Владимир - Страница 12
40. Franc. L'histoire des soixante dernières années est douloureuse. Les Français ont mal vécu cette suite de crises et de dévaluations, trop rarement interrompue par des accalmies. Comme citoyens, ils souffrent de l'affaiblissement de notre monnaie qui fait sourire à l'étranger et réduit nos marges de manœuvre dans le monde. En tant que détenteurs d'avoirs liquides, ils subissent l'effritement de la valeur de leurs revenus et de leur patrimoine. Et ce sont les plus faibles — généralement silencieux — qui sont les plus atteints.
C'est dire que le franc n'est jamais absent des préoccupations, conscientes ou non, des Français et de leurs dirigeants. La monnaie rélève d'un domaine où affleurent l'émotivité et la passion, ce qui interdit de la gérer uniquement en fonction de critères rationnels. Mais, là aussi, la gauche a beaucoup appris. En mettant depuis 1983 la lutte contre l'inflation au cœur de notre politique économique, elle a franchi une étape, même si le coût des désindexations a parfois été élevé. L'exigence de compétitivité comme l'appartenance au Système monétaire européen ne nous laissent plus le choix, l'action de désinflation est un impératif permanent.
Si l'accord sur l'objectif n'est plus guère contesté, il subsiste des divergences sur la méthode. Avoir une monnaie stable est plus affaire de comportements individuels et collectifs, notamment dans le domaine des revenus et des prix, que de ratios décrétés autoritairement par la Banque Centrale ou l'autorité budgétaire. Or, sous l'influence de doctrines monétaristes largement diffusées dans les années 1980 à partir des États-Unis, on s'est attaché de façon excessive à contrôler la croissance d'agrégats monétaires aux définitions changeantes, principalement par le maniement des taux d'intérêts. Le résultat, ce sont aujourd'hui des taux d'intérêts prohibitifs, qui sont incompatibles avec une reprise de la croissance et qui privilégient les placements purement financiers.
41.Langue française. Parmi les quelque quatre mille langues parlées à travers le monde, le français fait partie de cette poignée d'idiomes privilégiés qui sont depuis des siècles l'objet d'une défense systématique et assidue de la part d'un pouvoir politique centralisateur et internationalement influent. La place du français en France n'a cessé de se renforcer, au détriment inévitable des autres langues historiques du pays (alsacien, basque, breton, catalan, flamand, langues d'oc, langues d'oïl), et l'allongement de l'enseignement obligatoire lui assure une domination entière sur tout le territoire, là même où les parlers locaux occupaient l'essentiel des échanges il n'y a pas si longtemps. La pénétration généralisée des médias nationaux fait qu'aujourd'hui, dans la plus reculée des fermes bretonnes ou auvergnates, on entend plusieurs heures par jour résonner le français de Paris. Voilà pourquoi, paradoxalement, on peut dire qu'on n'a jamais autant parlé français en France, et probablement jamais aussi bien — en moyenne statistique, s'entend.
Quant à la francophonie, si elle ne compte qu'un nombre relativement faible d'individus (environ 110 millions de personnes ont le français comme première ou comme deuxième langue) loin derrière la communauté des usagers de l'hindi ou du bengali par exemple, elle reste internationalement déterminante, ne serait-ce que sur le plan diplomatique : langue officielle dans 32 États du monde, le français est une des deux langues de travail de l'ONU, employée par pratiquement un quart des délégations. Et, dans presque chaque pays non francophone, un nombre important d'élèves choisissent d'apprendre le français, qui représente pour eux l'accès naturel à la culture classique de l'Europe.
Son importance a pourtant reculé depuis la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale, particulièrement en Europe (où, dans l'enseignement secondaire, elle cède maintenant presque partout le pas à l'anglais), et jusqu'en France même : dans les "salles de marché " de nos banques parisiennes, en contact permanent avec toutes les places financières du monde, c'est en anglais que l'on traite. Ce qui laisse penser que l'action menée ces dernières décennies en faveur de notre langue n'a peut-être pas répondu correctement aux problèmes, a manqué d'imagination.
L'Europe occidentale pour s'unifier politiquement a besoin de renforcer son unité culturelle par une réunification linguistique. Si celle-ci devait se faire sous le modèle de l'unilinguisme, il est indubitable que l'Europe de demain serait anglophone. Mais il n'y a aucune raison de continuer à tenir l'unilinguisme comme fatal ni même comme nécessaire, non seulement pour les entités politiques mais d'abord pour les individus : la majorité des humains est multilingue, et le cerveau est ainsi fait qu'il manie sans difficulté plusieurs langues, que ce soit dans un usage actif (parler) ou seulement passif (comprendre).
Nous devons prendre l'initiative, pour que l'unité dé l'Europe n'entraîne pas la domination d'une langue sur toutes les autres, mais se réalise sous la forme du plurilinguisme individuel de chaque citoyen européen. À cette fin, la première des choses est de ménager tous les passages possibles entre les langues de la même famille: dans la famille des langues romanes, il n'est pas difficile, on le sait, de passer du français à l'italien ou à l'espagnol, et vice versa. Encore faut-il, si l'on veut profiter de ces possibilités, que l'enseignement de ces langues romanes favorise systématiquement l'accès, au moins passif, à chacune des autres. Même chose pour les langues de la famille germanique (anglais, allemand, néerlandais, langues scandinaves).
La deuxième action consiste à ce que les nations de la Communauté s'engagent résolument dans cette voie du plurilinguisme, en mettant en œuvre dans chaque pays une politique d'enseignement d'une langue de la famille qui n'est pas celle de la langue maternelle, dès l'école primaire. S'il est certain que les pays de langue romane choisiraient majoritairement l'anglais, en revanche la majorité des pays de langue germanique choisirait probablement le français, qui reste la langue romane de prestige en Europe ; ce qui redresserait considérablement la situation de notre langue et ses perspectives d'avenir, y compris hors d'Europe. Il y faut une décision commune.
42.École. Qui sera notre Jules Ferry ? Cent ans après, le défi qu'il nous faut relever est de la taille de celui que la République a victorieusement affronté sous l'égide de ce père fondateur.
Grâce à lui, grâce à elle, le bilan de l'école française, dans le recul de l'illettrisme autant que dans l'enracinement des idéaux démocratiques, est tout simplement extraordinaire. Mais qui tourne aujourd'hui ses yeux vers l'avenir mesure ce qu'il nous faut accomplir et qui est considérable.
À peine est-il besoin de rappeler les enjeux. Chacun de nous est un ancien élève. Un nombre considérable est, a été ou sera parent d'élève. Beaucoup sont eux-mêmes enseignants. De ce fait, rien de ce qui concerne la formation n'est indiffèrent à qui que ce soit, et il n'est nul besoin de prendre part à la conduite des affaires publiques pour mesurer l'importance d'une formation solide, adaptée, offerte à tous.
À cette aune, les deux réponses les plus fondamentales concernent l'égalité des chances et la responsabilité des acteurs.
Sociales, géographiques, les inégalités du système sont autrement plus réelles que l'égalité, purement formelle, dont il est paré. C'est dès le cours préparatoire qu'on enregistre le retard frappant les enfants des milieux défavorisés. Quant aux régions, de l'une à l'autre le pourcentage de bacheliers varie du simple au double, le nombre d'étudiants du simple au quadruple.
Le droit à la formation tend à assurera tous les moyens d'accéder à une qualification et de réussir une insertion culturelle, sociale et économique. Le « crédit-formation » doit en être l'instrument principal. Il permettrait à chacun de disposer d'une sorte de créance sur la collectivité qui assure un certain nombre d'années de formation. Ainsi, celui qui ferait des études supérieures épuiserait son crédit tandis que celui qui serait contraint de quitter le système éducatif dès 16 ou 18 ans pourrait, au moment de son choix dans son parcours ultérieur, faire valoir son droit à un complément de formation, pour approfondir sa compétence ou en acquérir une nouvelle. Il ne s'agit, bien sûr, que de l'une des illustrations possibles de ce qui doit devenir le droit à la formation.
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