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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 46
— Cesse de rire comme une idiote ! Ce mariage me fait horreur, figure-toi et, si je l'accepte, c'est uniquement pour que vous ne patissiez pas d'un refus. S'il n'y avait que moi, je me serais deja enfuie aux frontieres de Bourgogne, retournee a Paris... chez nous !
Les deux s?urs etaient peut-etre sur le point d'en venir aux mains, car Loyse ne cessait pas de rire mechamment, si Sara ne s'etait glissee entre elles deux. Elle prit Catherine aux epaules et la repoussa loin de sa s?ur.
— Calme-toi !... Il faut que tu ecoutes ta mere, petite, c'est la sagesse ! Tu augmentes encore sa peine avec tes revoltes.
Jacquette, en effet, s'etait laissee tomber sur la pierre de l'atre, parmi les cendres et pleurait la tete dans son tablier. Catherine ne put endurer ce spectacle et se precipita aupres d'elle.
Ne pleurez plus, mere, je vous en supplie ! Je ferai ce que vous voudrez. Mais vous ne pouvez me demander de m'en aller d'ici, d'aller vivre chez des etrangers ?
C'etait a la fois une priere et une interrogation. De grosses larmes roulaient sur les joues de la jeune fille tandis qu'elle nichait sa tete contre le cou de sa mere. Jacquette essuya ses yeux et caressa doucement les nattes blondes de sa cadette.
— Tu iras chez la dame de Champdivers, Catherine, parce que c'est moi qui te le demande. Vois-tu, messire de Brazey, des les accordailles, viendra chaque jour, sans doute, te faire sa cour. Il ne peut venir ici ! La maison n'est pas digne de lui. Il y serait gene.
— Tant pis, lanca Catherine avec rancune. Il n'a qu'a rester chez lui !
— Allons, allons !... Il y serait gene, dis-je, mais je le serais encore plus que lui ! La dame de Champ- divers est agee, elle est bonne a ce que l'on dit et tu ne seras pas malheureuse aupres d'elle. Tu y apprendras les manieres qui conviennent. Et, de toute facon, conclut tristement Jacquette en s'efforcant de sourire, il faudra bien que tu quittes cette maison pour t'en aller chez ton epoux. Cette halte fera transition et quand tu entreras dans la maison de Garin de Brazey, tu seras moins depaysee. D'ailleurs, rien ne t'empechera de venir ici autant qu'il te plaira...
Catherine, navree, avait l'impression que sa mere recitait la une lecon bien apprise. Sans doute l'oncle Mathieu l'avait-il chapitree longuement pour l'amener a ce degre de resignation triste. Mais, justement parce que la pauvre Jacquette en etait la, il etait inutile de discuter. D'ailleurs, si Barnabe s'en melait, comme Catherine l'esperait, tout ceci ne serait bientot plus qu'un mauvais reve. Aussi capitula-t-elle.
— Tres bien ! J'irai chez la dame Champdivers ! Mais, a une condition.
Laquelle ? demanda Jacquette qui ne savait plus si elle devait se rejouir de l'obeissance de sa fille ou se desoler de la voir se resigner si vite. — Je veux emmener Sara avec moi !
Quand elle se retrouva seule en face de Sara, le soir venu dans leur chambre commune, Catherine decida qu'il etait temps de passer a l'action. L'heure n'etait plus aux secrets ni aux cachotteries car, des le lendemain, elles devaient toutes deux se rendre dans la belle maison du Bourg ou habitait leur future hotesse.
Aussi, sans perdre de temps, Catherine raconta- t-elle a Sara son equipee de la veille ; Sara ne sourcilla meme pas en apprenant que le secret de ses fugues etait decouvert. Elle sourit meme legerement car elle avait compris, au son de la voix de la jeune fille, que celle-ci, non seulement ne la blamait pas, mais encore la comprenait.
— Pourquoi me dis-tu cela ce soir ? demanda-t-elle seulement.
— Parce qu'il faut que tu retournes, cette nuit meme, chez Jacquot de la Mer. Tu iras porter une lettre a Barnabe.
Sara n'etait pas femme a discuter, ni meme a s'etonner. Pour toute reponse, elle tira une mante sombre de son coffre et s'en enveloppa.
— Donne ! dit-elle.
Rapidement, Catherine griffonna quelques mots, les relut soigneusement avant de sabler l'encre fraiche.
« Il faut que tu agisses », ecrivait-elle a Barnabe. « Il n'y a que toi qui puisses me sauver et souviens- toi que je hais l'homme que tu sais.
» Satisfaite, elle tendit le papier plie a Sara.
— Voila, fit-elle. Fais vite.
— Dans un quart d'heure Barnabe aura ta lettre. Garde seulement la porte ouverte.
Elle se glissa hors de la chambre sans faire plus de bruit qu'une ombre, et Catherine eut beau tendre l'oreille, elle ne surprit pas le moindre bruit de pas, le moindre grincement de porte. Sara semblait avoir la faculte de s'evanouir dans l'air a volonte.
Sur son perchoir, Gedeon, le cou rentre, la tete au ras du corps, dormait d'un ?il, l'autre surveillant attentivement sa maitresse qui se livrait a une occupation inhabituelle a cette heure. Il pouvait la voir fouiller dans les coffres, en sortir des robes, les placer un instant devant elle, les deux mains appuyees a la taille puis les rejeter a terre a moins qu'elle ne les posat sur le lit.
Cette agitation inusitee incita l'oiseau a se manifester puisque apparemment l'heure du repos n'etait pas encore venu. Gedeon se secoua, herissa son etincelant plumage, tendit le cou et clama :
— Gloirrrrrre... au Duc !
Il ne le repeta pas deux fois. Lancee d'une main sure, l'une des robes dedaignees par Catherine vint s'abattre sur lui, l'aveuglant completement et l'etouffant a moitie.
— Qu'il aille au diable, le duc... et toi avec ! vocifera la jeune fille furieuse.
Sara rentra vers minuit. Catherine l'attendait toutes chandelles soufflees, assise dans son lit.
— Alors ? demanda-t-elle.
— Alors, Barnabe te fait dire que c'est bien. Il te fera savoir, a l'hotel de Champdivers, ce qu'il aura decide... et aussi ce qu'il te faudra faire !
Le rayon de soleil bleu et rouge, fleche d'or, qui tombait d'un haut vitrail representant sainte Cecile armee d'une harpe, enveloppait Catherine immobile au milieu de la grande piece et la tailleuse accroupie a ses pieds, des epingles plein la bouche. Il s'en allait mourir, en touches legeres, sur les vetements sombres d'une dame agee, toute vetue de velours brun borde de martre malgre la chaleur, qui se tenait assise bien droite dans un fauteuil de chene et surveillait l'essayage. Marie de Champdivers avait un doux visage aux traits fins, au regard d'un bleu fane que la haute coiffure a deux cornes en precieuse dentelle de Flandres ennuageait delicatement. Mais ce qui frappait le plus, dans ce visage, c'etait l'expression de profonde tristesse qu'attenuait l'indulgence du sourire. On sentait, en Marie de Champdivers, une femme minee par un chagrin secret.
Entre les mains de la meilleure faiseuse de la ville, le brocart rose et argent, naguere choisi par Garin de Brazey, etait devenu une toilette princiere dans laquelle la beaute de Catherine eclatait au point d'inquieter son hotesse. Comme Barnabe, la vieille dame pensait qu'une perfection aussi achevee portait en elle plus de germes mortels que de promesses de joie. Mais Catherine se contemplait dans le miroir d'argent poli avec une joie si enfantine que Mme de Champdivers se garda bien d'exprimer son sentiment intime. Le souple et chatoyant tissu, dont l'eclat etait celui .d'une riviere sous l'aurore, tombait en plis nobles autour de la taille mince et s'allongeait sur les dalles en une courte traine. La robe etait d'une extreme simplicite. Catherine avait refuse tout ornement superflu en disant que le tissu se suffisait a lui- meme. Mais le large decollete, en V tres ouvert, du corsage descendait jusqu'au ruban de taille place presque sous la poitrine. Il laissait voir, dans son echancrure, la toile d'argent d'une robe de dessous sur laquelle brillait une floraison de perles roses, rondes et parfaites : le premier et fastueux present de Garin a sa fiancee. D'autres perles encore bordaient la fleche d'argent du hennin pointu, ennuage de mousseline rose pale, et d'autres s'enroulaient autour du cou mince de la jeune fille. Dans le dos, la robe s'ouvrait en pointe basse, decouvrant la naissance des epaules et le dos jusqu'a la hauteur des omoplates. Mais les longues manches epousaient les bras jusqu'au milieu de la main.
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