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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 14


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Parfois, elle croyait entendre pleurer quelque part, tout au fond d'une interminable galerie sombre au bout de laquelle brillait une toute petite tache de jour. C'etait le long de ce tunnel sans fin que Catherine se trainait, cherchant a atteindre le coin de ciel. Mais le tunnel s'allongeait toujours, a mesure qu'elle progressait...

Un soir pourtant, les brumes se dechirerent, les choses demeurerent enfin stables et les objets, les formes prirent des contours nets.

Catherine emergeait des ombres de l'inconscience. Mais le decor sur lequel ses yeux s'ouvrirent etait si etrange qu'elle le prit pour le prolongement du cauchemar. Elle etait couchee dans une piece sombre et basse. Le plafond etait une voute de pierre supportee par deux piliers grossiers et le seul eclairage venait d'une rustique cheminee faite de pierres a peine taillees dans laquelle brulait un grand feu. Une marmite de fer noire, pendue a une cremaillere bouillait au milieu des flammes, repandant une bonne odeur de legumes. Assis sur un trepied de bois devant l'atre, un homme maigre et deguenille remuait le contenu de la marmite avec une longue cuillere de bois. Cet homme, c'etait Barnabe le coquillart.

Au soupir que poussa Catherine, il se leva en hate et vint se pencher sur elle, toujours arme de sa cuillere. Il la regarda avec une inquietude qui, peu a peu, s'effaca. Les deux grandes rides creusees de chaque cote de sa bouche se retrousserent en un sourire a constater que la petite avait les yeux grands ouverts et regardait bien clair.

— Ca va mieux, he petite ? chuchota-t-il comme s'il craignait qu'un eclat de voix rappelat le mal.

Elle lui sourit en retour puis demanda :

— Ou est-ce que je suis ? Ou est Maman ?

— Tu es chez moi. Ta maman est a cote. Elle viendra tout a l'heure.

Quant a t'expliquer comment tu es venue ici, c'est un peu long et un peu difficile ; je te le dirai quand tu seras tout a fait bien. Pour le moment, il faut encore te reposer, reprendre des forces. La soupe va etre prete.

Il retournait a sa marmite. Debout devant le feu, il projetait sur la voute enfumee une ombre fantastique dont Catherine n'avait pas peur.

Elle essayait de comprendre ce qu'elle faisait dans cette cave et comment Barnabe etait devenu son garde-malade, mais sa tete etait encore faible. Retombant sur sa couche, elle referma les yeux, trop lasse pour poser d'autres questions. Elle ne tarda pas a se rendormir.

Barnabe achevait d'ecumer son bouillon quand une femme, apparut en haut des quelques marches qui rejoignaient une porte etroite et basse. Elle etait jeune et eut ete belle si son teint n'eut ete si fonce et son costume si etrange. Son corps, souple et mince, etait habille d'une chemise de grosse toile, fendue sur la poitrine et retenue par une piece d'etoffe drapee autour des hanches. Cette etoffe etait de la laine rayee rouge et jaune. Une sorte de couverture, posee sur les epaules, la protegeait du froid. Quant a sa tete brune, elle etait couverte d'un enroulement de bandes d'etoffe formant un turban dont l'extremite passait sous le menton. Ce turban laissait echapper deux nattes epaisses comme un bras d'enfant et noires comme de l'encre dans lesquelles etaient fixees de petites pieces de monnaie.

Eveillee a nouveau Catherine considera avec etonnement l'etrange arrivante. La peau du visage etait si foncee que le sourire tranchait dessus violemment par son eclatante blancheur. Catherine vit que les traits etaient fins et que l'inconnue avait de magnifiques yeux noirs.

Barnabe l'avait accompagnee aupres du lit de la jeune fille.

— C'est Sara-la-Noire, lui apprit-il. Elle sait plus de secrets qu'un vieux mire. C'est elle qui t'a soignee. Et bien soignee ! Comment la trouves-tu, Sara ?

— Elle a retrouve ses esprits. Elle est guerie, dit la femme. Il faut seulement une bonne nourriture et du repos.

Ses mains maigres et brunes avaient palpe legerement les joues, le front, touche le poignet, voltigeant avec la prestesse et la legerete de deux oiseaux. Puis Sara s'assit a terre aupres de la couche de Catherine, les mains nouees autour des genoux, considera attentivement l'adolescente. Pendant ce temps, Barnabe endossait sa houppelande a coquilles, prenait son bourdon.

— Reste un moment, dit-il a la femme. C'est l'heure du salut a Sainte-Opportune et je ne veux pas le manquer. Les potiers d'etain du quartier y vont pour faire un v?u. Ils seront certainement genereux...

Le coquillart disparut apres avoir conseille a Sara de gouter a la soupe et d'en donner une bonne ecuelle a sa malade.

Ce fut le lendemain, apres une nuit calme et reparatrice, que Catherine apprit, de la bouche meme de sa mere, ce qui s'etait passe sur le Pont-au-Change, apres la mort de Michel. La crainte de l'incendie avait empeche la foule dechainee de mettre le feu a la maison des Legoix, mais la demeure et l'atelier de l'orfevre n'en avaient pas moins ete pilles de fond en comble. Prevenu, Gaucher Legoix etait accouru de la Maison-aux-Piliers. Il avait tente de se faire entendre des energumenes qui assiegeaient le pont et a qui Caboche, en disparaissant soudainement, avait laisse le champ libre.

Le malheureux avait ete bien vite submerge. On lui avait trop longtemps reproche sa tiedeur envers la dictature des abattoirs pour ne pas saisir l'occasion. Malgre les larmes et les supplications de sa femme sortie en hate de chez les Pigasse, malgre celles de Landry et de son pere, Gaucher Legoix avait ete pendu a sa propre enseigne, puis jete au fleuve. Refugiee chez les Pigasse avec Catherine inconsciente, que Landry avait rapportee, Jacquette avait vu bientot la colere des meneurs se tourner vers elle et avait du fuir, avec l'aide de Barnabe ; Landry, par chance, avait pu aller le chercher. Dans la nuit, d'abord par le fleuve qu'on avait descendu en barque jusqu'a la tour du Louvre, puis par les ruelles, la malheureuse femme et son etrange escorte avaient gagne le logis du coquillart, dans la Grande Cour des Miracles. Depuis, elle y soignait sa fille en essayant de se remettre elle-meme de la terrible secousse eprouvee. La mort de Gaucher l'avait frappee d'horreur et de terreur mais la violente fievre cerebrale de Catherine ne lui avait guere laisse le temps de s'appesantir sur sa douleur. L'enfant etait en danger. De plus, un autre souci grave etait venu s'ajouter aux angoisses de Jacquette : Loyse avait disparu.

La derniere fois que l'on avait vu la jeune fille, c'etait au moment ou, en pleine crise de nerfs, sa cadette perdait conscience. Loyse avait recueilli la petite dans ses bras. Mais un remous de la foule avait arrache Catherine a sa s?ur dont les bras n'avaient pas eu la force necessaire pour la retenir. Landry s'etait trouve la a point nomme pour recuperer sa petite amie. Quant a Loyse, elle s'etait noyee dans la poussee furieuse des pillards lances a l'assaut de « l'Arche d'Alliance

». Personne n'avait pu dire ce qu'elle etait devenue.

— Elle est peut-etre tombee a l'eau, dit Jacquette en tamponnant ses yeux que les larmes gonflaient continuellement. Mais, en ce cas, la Seine eut rejete son corps. Barnabe va chaque jour a la morgue du Grand Chatelet et ne l'a pas encore retrouvee. Il est persuade qu'elle est vivante et il la cherche. Jusque- la il faut attendre...

— Et ensuite, que ferons-nous ? demanda Catherine. Resterons-nous ici, chez Barnabe ?

— Non ! Des que nous aurons retrouve Loyse, si Dieu le veut, nous essayerons de quitter Paris pour gagner Dijon. Ton oncle Mathieu, tu le sais, y tient boutique de draperie. Il nous accueillera puisqu'il est toute notre famille comme nous sommes toute la sienne...

Le chagrin de Jacquette paraissait s'attenuer un peu quand elle evoquait la maison de son frere, qui avait ete auparavant celle de ses parents ou elle avait passe toute son enfance et ou Gaucher Legoix etait venu l'epouser bien des annees plus tot. C'etait la le port vers lequel, deracinee, elle allait tendre de toutes ses forces. Tout en etant tres reconnaissante au Coquillart de l'asile genereux qu'il leur donnait, la bonne dame ne pouvait s'empecher de considerer avec mefiance et degout ce monde bizarre des truands au fond duquel elle s'etait trouvee precipitee subitement.