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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 9
— Vous devriez m'offrir a boire, fit-elle en s'asseyant sans facon sur le pied du lit. Je meurs de soif et ce qu'il y a la-dedans semble si frais...
— C'est du vin de Meursault.
— Alors, donnez-moi du vin de Meursault, fit-elle avec un irresistible sourire.
Il se hata de s'executer, mit presque genou a terre pour lui offrir le gobelet plein qu'elle but a petits coups sans le quitter des yeux. Il paraissait tout a fait remis de sa surprise, mais son air emerveille fit comprendre a la jeune femme qu'il n'arrivait pas a croire a sa chance.
— Pourquoi me regardez-vous comme cela ?
— Je n'arrive pas a realiser que je ne reve pas... que c'est bien vous qui etes la, pres de moi... chez moi.
Pourquoi n'y serais-je pas ? Nous sommes si bons amis, vous et moi !...
Mmmm... votre vin est delicieux ! Un peu traitre, peut-etre. Voila que ma tete tourne legerement ! Il vaut mieux que je ne reste pas ici...
Elle se leva, mais a peine debout, poussa un petit cri en portant la main a son front, vacilla sur ses jambes.
— Mais... que m'arrive-t-il ? Mon Dieu... Je me sens toute drole...
Elle menacait de tomber, mais Jacques, releve d'un coup de rein, l'avait saisie a pleins bras, l'obligeait a se rasseoir sans pour cela la lacher.
— Ce n'est rien, fit-il d'un ton rassurant. La chaleur... et aussi ce vin ! Il est tres frais, le froid vous a surprise. Vous l'avez bu peut-etre un peu vite...
— C'est que... j'avais tellement soif. Oh ! c'est affreux, j'etouffe...
Catherine portait maintenant ses mains tremblantes a son corsage comme si la mince carapace de soie verte, deja largement decolletee, la serrait trop.
Elle fut tout de suite comprise. Jacques, n'ecoutant que son desir de lui venir en aide, se mit a denouer les lacets qui fermaient la robe, tandis que Catherine, comme si elle perdait connaissance, se renversait en arriere parmi les couvertures entassees. Ce mouvement fit jaillir hors de leur nid couleur de mer et presque sous le nez du jeune homme eperdu d'adorables rondeurs dont le parfum monta encore plus vite que le vin de Meursault a la tete de Jacques. Le malheureux garcon perdit a cette vue le peu de raison qui lui restait. Oubliant que le malaise de Catherine l'inquietait fort, il etreignit vigoureusement la jeune femme et se mit a couvrir de baisers sa gorge decouverte en murmurant des paroles incoherentes.
Les yeux apparemment clos, Catherine l'observait a travers ses cils et le laissa se griser d'elle quelques instants. Mais il fallait couper court a l'experience avant qu'elle-meme ne perdit la tete. Ce qui pouvait bien ne pas tarder a arriver car, apres tout, Jacques etait jeune, agreable sans etre vraiment beau, et vigoureux comme un jeune chene. Elle poussa un profond soupir et repoussa le jeune homme avec une vigueur qu'il eut sans doute trouvee etrange, chez une femme en faiblesse, s'il avait ete de sang-froid.
Mais de sang-froid, il n'etait plus question. Jacques en etait au delire !
Quand Catherine se redressa, il voulut la reprendre dans ses bras, mais elle l'ecarta doucement, jouant artistement la confusion devant le desordre de sa toilette.
— Que m'est-il arrive ?... Mon Dieu... je me souviens, j'ai perdu connaissance. Cette chaleur... et puis ce vin ! Pardonnez-moi, mon ami (elle appuya perfidement sur le mot ami), je me suis conduite d'une facon lamentable. Je n'ai point coutume de m'evanouir ainsi
Mais il n'entendait rien. A genoux devant elle, il petrissait sa main libre dans les siennes, l'implorant du regard.
— Ne partez pas encore. Restez... Reposez-vous un moment. Si vous saviez ce que votre presence est pour moi...
Elle degageait malgre tout sa main, le repoussait doucement, se levait et s'avancait de quelques pas dans la chambre...
— Je sais, mon ami, je sais, fit-elle d'une voix mourante. Vous etes le meilleur des amis. Je gage que, durant ce malaise, vous m'avez soignee avec toute l'habilete dont vous etes capable. Car je me sens deja mieux...
Il etait toujours a genoux aupres du lit, mais incapable de supporter l'idee qu'elle allait s'eloigner, lui echapper alors qu'il avait ete si pres de realiser un reve bien doux et deja ancien, il se leva, vint vers elle les mains tendues.
— Vous n'allez pas partir tout de suite, fit-il avec un sourire. Vous etes encore faible... et il fait si chaud.
Catherine secoua la tete.
— Ne me tentez pas. Il faut que je rentre. Je ne sais meme pas quelle heure il est.
— Il n'est pas tard. Buvez encore un peu de vin, proposa perfidement Jacques, cela vous remettra tout a fait. Et puis, vous ne m'avez pas encore dit ce qui me valait une si delicieuse visite.
Catherine, qui se dirigeait vers la porte, se retourna.
— Je n'ai plus soif. Et puis votre vin est dangereux, mon cher Jacques.
Quant a ce que j'avais a vous dire...
Elle prit un temps, lui adressa un sourire moqueur, puis, quittant le ton languissant qu'elle employait depuis un moment, retrouva sa voix normale, toute chargee d'ironie pour ajouter avec la plus traitresse douceur :
— Je voulais simplement vous fournir quelque chose a raconter a Monseigneur Philippe sur la dame de Brazey. Je pense que, maintenant, vous avez de quoi ecrire une longue et belle lettre au duc sur la maniere dont vous entendez a la fois l'amitie... et les secours a porter aux dames evanouies. A votre place, je rappellerais le pere Augustin. Ou bien preferez-vous que je l'ecrive moi-meme, votre lettre ? J'ecris fort bien, vous savez ?
Mon oncle Mathieu pretend que j'en remontrerais a un benedictin.
Apres quoi, contente du tour qu'elle lui avait joue, elle s'enfuit vers l'escalier en eclatant d'un rire moqueur et degringola les degres au risque de se rompre le cou, poursuivie par les « Catherine ! Catherine ! » affoles du jeune capitaine. Mais elle ne s'arreta pour reprendre haleine qu'une fois dans le jardin du palais.
Dans les jours qui suivirent, la Bourgogne eut besoin des forces, si chancelantes, de sa duchesse- douairiere. Tandis que Philippe etait occupe en Flandres, les troupes du roi Charles etendirent la guerre le long des frontieres nord du duche. Les Armagnacs du batard de La Baume tenaient la campagne de l'Auxerrois et d'une partie de l'Avallonnais. Mais, desireux d'ouvrir au roi la route de Champagne, le connetable John Stuart de Buchant et le marechal de Severac mirent le siege devant Cravant. Il fallait faire face au danger.
Marguerite rassembla son courage, depecha les troupes dont elle disposait sous les ordres du marechal de Toulongeon et adressa une lettre a son gendre Bedford pour lui demander de l'aide.
Le depart de la lettre de la duchesse pour Paris donna lieu a une scene tragique entre Marguerite et Ermengarde, scene dont Catherine fut le temoin desole. Comme Ermengarde reprochait, avec douleur, a la malade de faire appel a l'Anglais, celle-ci tourna vers elle son visage creuse par la souffrance, se redressa sur ses oreillers avec l'aide de Catherine et tendit la main vers sa vieille amie :
— C'est la Bourgogne qui est attaquee, Ermengarde... La Bourgogne que mon fils, le duc regnant, m'a confiee... Pour la sauvegarder, pour la tenir intacte, et vivante, et sans souffrances, je serais capable de vendre mon ame au Diable et de l'appeler au secours. Si l'Anglais ecarte le peril, l'Anglais qui est l'epoux de ma fille, je rendrai grace a l'Anglais.
Puis, a bout de force, Marguerite s'etait laissee retomber sur son lit.
Ermengarde n'avait rien repondu. Mais pour la premiere fois, depuis qu'elle la connaissait, Catherine avait vu pleurer cette femme de fer, cette vivante image de la loyaute et du devoir qu'etait la Grande Maitresse.
Le 30 juillet, la bataille de Cravant eut lieu, desastreuse pour le roi de France grace a l'aide des troupes envoyees par Bedford et que commandait Suffolk. Catherine, desesperee, avait appris le bilan de la bataille dont Nicolas Rolin, instigateur de l'appel a Bedford, vint rendre a la duchesse un compte minutieux : le connetable de Buchant avait eu un ?il creve, de nombreux morts jonchaient le champ de bataille et des prisonniers de choix avaient ete faits. C'est ainsi que Catherine sut que Xaintrailles et Arnaud etaient prisonniers.
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