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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 58


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Tout en se laissant glisser de son cheval devant les quelques marches du seuil, la jeune femme ne pouvait detacher son regard de cette silhouette noire, qui, lentement, s'avancait vers elle. La plantureuse Ermengarde avait tellement maigri qu'elle flottait dans sa robe de velours noir. Sous des cheveux devenus tout blancs, elle montrait un visage decolore, des yeux rougis aux paupieres gonflees. Catherine courut vers son amie, la saisit aux epaules, epouvantee de ce qu'elle voyait, et plus encore de ce qu'elle devinait.

— Ermengarde ! Mon Dieu... Mais qu'y a-t-il ? Philippe ?

Avec un sourd gemissement, la vieille dame s'abattit dans les bras de Catherine et se mit a sangloter douloureusement sur son epaule. Le desespoir de cette femme si forte assomma la jeune femme qui comprit, en un eclair, que ses pires craintes informulees s'etaient realisees.

— Ah ! fit-elle seulement, il est...

Elle n'acheva pas. Le mot, trop affreux, refusait de franchir ses levres.

Ermengarde secoua seulement la tete, affirmativement... Au bas des marches, Sara et les soldats, petrifies, regardaient ces deux femmes qui pleuraient dans les bras l'une de l'autre. Car le c?ur gonfle de Catherine venait de crever en sanglots convulsifs qui la secouaient tout entiere. Sara, figee d'abord par la brutalite de l'evenement, se hata de descendre de son cheval, courut vers les deux femmes et les separa doucement. Puis, les entourant chacune d'un bras, elle les entraina a l'interieur du logis.

— Venez... Ne restez pas la. Il fait froid et humide...

Dans le chateau un profond silence regnait. Les serviteurs vetus de noir glissaient comme des ombres, sans oser relever la tete. Depuis que, la veille, le petit Philippe avait cesse de vivre, la douleur d'Ermengarde avait empli la vieille demeure d'accablement et de crainte. Le matin meme, le chapelain avait du arracher la comtesse du lit de l'enfant pour pouvoir proceder a la toilette funebre... Cette douleur faisait un peu honte a Catherine. La jeune femme, assommee par la nouvelle, eprouvait une sorte d'engourdissement proche de l'hebetude. Elle avait la sensation de se mouvoir au milieu d'une epaisse couche d'ouate qui amortissait sa conscience et que la douleur ne percait pas encore.

— Que s'est-il passe ? demanda-t-elle d'une voix blanche, si etrangere qu'elle ne la reconnut pas.

Ermengarde, que Sara avait obligee a s'asseoir dans un fauteuil, leva sur elle un pauvre visage defait, des yeux ourles d'ecarlate a force d'avoir pleure.

Une mauvaise fievre..., balbutia-t-elle. Dans le village, des paysans sont morts pour avoir bu l'eau d'un puits empoisonne. L'enfant en a bu aussi, en revenant d'une promenade avec son precepteur. Il avait soif et s'est arrete au moulin et a demande a boire... Le lendemain il delirait. C'est alors que je vous ai appelee. Le mire du chateau a fait ce qu'il a pu... et moi, je n'ai meme pas eu la consolation de faire pendre le meunier, ajouta Ermengarde avec une si brusque explosion de sauvagerie que Catherine frissonna... Il est mort le soir meme, de sa maudite eau, avec sa famille... Me pardonnerez-vous jamais ? Vous me l'aviez confie... et il est mort... mort mon petit Philippe, si beau !...

La comtesse enfouit sa tete dans ses mains tremblantes et se remit a sangloter si desesperement que Catherine, emue de pitie, se pencha sur elle, entourant de ses bras les epaules de sa vieille amie.

— Ermengarde !... Je vous en supplie, cessez de vous torturer ! Vous n'avez aucun reproche a vous faire... Vous etiez pour lui la meilleure des meres, bien meilleure que moi ! Certes, oui... bien meilleure que moi.

Les larmes montaient a nouveau a ses yeux. Elle allait se remettre a pleurer, elle aussi, quand le chapelain entra sur la pointe des pieds et murmura que tout etait pret, que l'enfant etait expose a la chapelle. Comme mue par un soudain ressort qui restituait pour un instant l'ancienne Ermengarde, la comtesse se leva, saisit la main de Catherine.

— Venez... dit-elle. Venez le voir !

A grands pas, entrainant Catherine et Sara, elle quitta la salle d'honneur, s'engagea dans la vis de pierre d'un escalier, suivit une large et courte galerie voutee dont l'un des cotes, decoupe en ogives flamboyantes, etait garni de vitraux aux armes de Chateauvillain. Une porte en plein cintre, au bout de la galerie, s'ouvrait sur la chapelle. L'aspect de celle- ci arracha a Catherine une exclamation. Le sanctuaire etait assez exigu : une nef voutee d'aretes reposant sur d'enormes piliers romans en pierre grise. Au centre, l'enfant en costume d'apparat de velours bleu reposait sur un catafalque de velours noir et or. A ses pieds, jointes, les armes de sa mere et le blason ducal de Bourgogne barre a senestre de rouge1.

1. La barre de batardise

Quatre hommes d'armes aux cuirasses etincelantes veillaient aux quatre coins de la couche funebre, appuyes sur leurs guisarmes, immobiles comme des statues..Une foret de gros cierges de cire jaune mettaient une lumiere de fete dans la petite chapelle aux fenetres basses. Les vieux murs disparaissaient sous les tentures de velours noir et les bannieres.

La somptuosite de l'apparat deploye saisit Catherine qui tourna vers son amie un regard interrogateur. Ermengarde rougit brusquement, releva la tete dans un geste d'instinctif orgueil.

— En cet instant supreme, seul compte le sang princier, Catherine !

fit-elle d'une voix enrouee.

Sans rien ajouter, Catherine alla s'agenouiller aupres du corps. Saisie d'une sorte de respect, elle osait a peine lever les yeux vers l'enfant, troublee de constater son extreme ressemblance avec son pere. Il y avait tant de mois qu'elle ne l'avait vu qu'elle le reconnaissait a peine. Il paraissait si grand, dans son immobilite eternelle, ses petites mains jointes sur J sa poitrine ! Les traits fiers deja, et les cheveux blonds coupes court etaient ceux memes de Philippe... Il etait bien son fils et le chagrin de Catherine s'en trouvait aggrave d'une jalousie vague. C'etait comme si le petit Philippe avait deliberement tourne le dos a sa mere, se detachait d'elle pour se tourner instinctivement vers celui dont il avait tenu la vie... Un affreux regret tordit le c?ur de la jeune femme pour tout ce temps ou l'enfant lui avait echappe.

Folle qu'elle avait ete de se priver de lui et de le priver d'elle ! Maintenant, la mort le lui prenait a tout jamais... Avec amertume, elle se reprocha son eloignement, son indifference... Les liens de chair sur le point de se dechirer lui faisaient mal, si mal tout a coup ! Elle eut voulu prendre dans ses bras le petit corps inerte, le rechauffer de sa propre vie... A cet instant, elle eut donne sa vie pour que le petit Philippe ouvrit les yeux, lui sourit. Mais c'etait a Ermengarde qu'il avait du sourire pour la derniere fois.

Courbee sous le poids d'un chagrin dont elle prenait une conscience aigue, Catherine enfouit son visage dans ses mains et pleura longtemps aux pieds de son enfant mort. Sur sa couche somptueuse et derisoire, le petit garcon semblait deja appartenir a un autre monde.

Toute la nuit suivante, oubliant les fatigues de sa longue route, Catherine demeura en prieres dans la chapelle. Ni les douces remontrances de Sara et d'Ermengarde, ni les conseils du chapelain que sa paleur inquietait ne purent l'arracher de l'enfant.

— Je veux rester avec lui aussi longtemps que je pourrai, repondait-elle.

J'ai tant de regrets de ces annees ou je m'en suis trop peu souciee !...

Comprenant ce qui se passait dans le c?ur de Catherine, Ermengarde n'insista pas. Elle aussi demeura toute la nuit. Quand revint le jour, les funerailles de l'enfant furent celebrees en grande pompe, devant tout le village assemble en habits de deuil. Puis, quand le caveau des seigneurs de Chateauvillain eut laisse retomber sa pierre sur le corps leger du petit batard ducal, Catherine et Ermengarde se retrouverent face a face... deux femmes en deuil qui partageaient la meme blessure. Elles avaient, d'un accord tacite, refuse de souper et s'etaient retirees dans la chambre de la comtesse. Assises chacune clans un haut siege de chene sculpte, dans leurs voiles noirs qui les appareillaient etrangement, elles resterent un long moment sans parler, immobiles de chaque cote de la cheminee, les yeux fixes sur les flammes.