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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 37
— Ou est-elle ? demanda Sara de but en blanc.
— Qui ? Paquerette ? Elle est sortie il y a un moment. Elle n'a pas dit ou elle allait. Je l'ai vue se diriger vers le bout du village.
Sara l'intriguait. Elle n'avait pas l'air a son aise. Catherine la trouvait nerveuse, agitee. Elle la vit se lever, s'habiller tout de travers, en pensant visiblement a autre chose, puis coller son nez aux carreaux en refusant du geste la tasse de lait que Catherine lui offrait.
— Enfin, qu'est-ce que tu as ? s'impatienta la jeune femme. Tu ne tiens pas en place. On dirait que tu as peur de quelque chose.
Sara ne repondit pas. Elle inspectait le ciel, degage a demi. Des nuages y couraient mais ils etaient moins sombres que ces jours derniers ; quelques-uns meme portaient encore la trace rose de l'aurore. Il ne pleuvait plus, mais de grandes flaques d'eau emaillaient la campagne, refletant les teintes incertaines du jour. Mue par une impulsion qu'elle eut ete bien incapable d'expliquer, Sara s'enveloppa dans sa grande cape noire, saisit la claie sur laquelle on avait dispose, la veille, les pains prets a cuire.
— Je vais au four banal, expliqua-t-elle a Catherine. Paquerette aurait du y aller ; je ne comprends pas qu'elle n'ait pas emporte les miches puisqu'elle se rendait au village !
Avant que Catherine ait pu lui demander une explication, Sara avait franchi la porte et s'eloignait a grands pas dans le chemin detrempe. Le four banal se trouvait au milieu du village, entre l'eglise croulante et la vieille croix de pierre aux marches verdies. De la, on pouvait voir le chemin qui passait sous la butte du chateau et rejoignait la route de l'ouest, creusee le long du lit de l'Ouche. Quelques femmes attendaient deja leur tour, les corbillons sous le bras, emmitouflees sous leurs mantes et leurs coiffes, parlant peu a cause du vent encore aigre. Elles se tassaient contre le mur du four comme de noirs oiseaux frileux. Mais Sara ne les regardait pas. Ses yeux percants lui avaient permis de voir, arretee a l'entree du chemin qui montait au chateau, une robe bleue et une coiffe blanche qu'elle croyait bien reconnaitre. Que faisait Paquerette, assise sur la vieille borne romaine ? Elle avait l'air d'attendre.
Mais quoi ?
Brusquement, Sara poussa une exclamation etouffee. Une troupe de cavaliers venait d'apparaitre a l'epaulement du chemin. Ils etaient une vingtaine, portant des justaucorps de cuir couverts de plaques de metal qui luisaient faiblement sous la lumiere pauvre. En tete chevauchait une silhouette noire qui fit battre le c?ur de la bohemienne sur un rythme accelere. Cet homme, tout de noir vetu, si grand, si maigre !... Sara hesitait encore mais, quand elle vit que le cavalier s'arretait pour parler a Paquerette, que celle-ci faisait un geste en direction de sa maison, qu'elle paraissait donner des explications, Sara n'hesita plus. L'homme noir, c'etait Garin...
Garin que la maudite sorciere avait du faire prevenir ! Le sang de Sara ne fit qu'un tour. Malgre la bonne envie qu'elle avait de foncer sur Paquerette pour lui administrer la raclee meritee par si noire trahison, la bohemienne ne perdit pas une seconde, s'en remettant a Landry de punir plus tard la mauvaise hotesse. Posant la claie et les pains sur la margelle du puits voisin, elle fit demi-tour et prit sa course vers la mai son, laissant voler derriere elle les grandes ailes noires de sa cape.
Chez Paquerette, Catherine s'appretait a ecumer la soupe quand elle vit Sara entrer en trombe et nota sa paleur.
— Que se passe-t-il donc encore ?
Sans repondre, Sara bondit sur une mante accrochee a un clou, en enveloppa Catherine et l'entraina au-dehors par la petite porte qui donnait directement sur l'etable.
— Il faut fuir ! fit-elle haletante. Garin !... Il arrive ! Paquerette a du le prevenir ! Elle le ramene ici...
Tout de suite l'affolement saisit Catherine, lui coupant les jambes.
— Fuir, mais ou ? s'ecria-t-elle les larmes aux yeux, epouvantee a la pensee de ce qui l'attendait si Garin remettait la main sur elle. En un kaleidoscope effrayant repasserent devant ses yeux la chambre du donjon, la litiere de paille, la chaine, le carcan, les cadavres des deux brutes qui la gardaient.
— Ce n'est pas le moment de faiblir ! gronda Sara. Il faut fuir, tu m'entends, il y a la foret... Courons !...
Saisissant fermement par la main la jeune femme defaillante, elle l'entraina sans meme oser regarder derriere elle. La peur rendit brusquement a Catherine toute sa vaillance. En quelques secondes, elles eurent atteint la lisiere du bois, s'y enfoncerent. Instinctivement, Sara reprenait le sentier qu'elle avait suivi l'autre nuit, sur les talons de Paquerette. Elle esperait retrouver la caverne secrete ou, elle en avait la ferme conviction, Paquerette n'oserait pas entrainer Garin et ses hommes d'armes par crainte du bucher que lui vaudrait immanquablement la decouverte de la statue a tete de bouc.
Il fallait, a tout prix, atteindre cet asile. Cela permettrait, du moins, de parer au plus presse. Se retournant, tandis que Sara l'entrainait, Catherine vit que le danger etait encore plus grand qu'elle ne le croyait. A travers les rayures sombres des arbres, elle distinguait des silhouettes d'hommes qui mettaient pied a terre devant la maisonnette de Paquerette. Elle entendait les hennissements des chevaux...
— Plus vite ! souffla Sara. Plus vite !...
C'etait malaise. Le chemin montait et les pluies recentes l'avaient rendu extremement glissant. Et puis la vue de ces soldats glacait Catherine de terreur. Un ressaut de rochers derriere lequel tournait le sentier a peine trace lui deroba cette perspective inquietante. Elle redoubla d'efforts. Le danger etait encore si proche que l'on pouvait entendre les voix fortes des hommes d'armes. Un cri de Paquerette les domina :
— Dans le bois... elles ont du s'y cacher !
Une autre voix vint et c'etait celle de Garin :
— Allez-y !... Separez-vous en plusieurs groupes !
— Le jour ou je rattraperai cette Paquerette, grogna Sara, elle s'en souviendra ! Quittons le sentier. Je crois que j'ai trouve...
En effet, elle apercevait en haut de la montee un amoncellement de roches grises qui, selon elle, devaient receler la caverne souterraine. Rester sur le sentier etait dangereux. Elle obligea Catherine a passer a travers les arbres sur le tapis de feuilles pourries qui ne garderait pas de traces. Mais cet itineraire les obligeait a escalader quelques rochers et Catherine n'en pouvait deja plus. Elle glissa sur une roche humide couverte de mousse, se heurta douloureusement le genou et serra les dents pour ne pas crier. Sara etait deja a cote d'elle et l'empoignait sous les aisselles pour l'aider a se relever.
Ecoute ! fit la bohemienne pour galvaniser son courage. Ils sont deja sous le couvert. Le salut est la-haut, mais il faut l'atteindre !
La farouche volonte de Sara jointe a la terreur qu'eprouvait Catherine en entendant les pas des soldats ecraser les feuilles du sous-bois l'obligerent a fournir un ultime effort. Un dernier obstacle se dressait devant elles, un rocher au-dessus duquel apparaissait la faille salvatrice. Elle s'arc-bouta sur la pierre mouillee, s'accrocha des deux mains a un roncier qui lui dechira les doigts et se retrouva en haut. Il etait temps : entre les branches a peine bourgeonnantes, on pouvait voir luire les casques des soldats. Sara jeta Catherine plutot qu'elle ne la fit entrer dans le couloir rocheux, mais en prenant bien soin d'effacer la trace de leurs pas dans la boue de l'entree avec une branche d'arbre. Il faisait moins noir que la bohemienne ne l'avait craint dans le boyau de terre et de pierre. De petites anfractuosites laissaient filtrer la lumiere du jour et les deux femmes purent s'enfoncer profondement. Elles parvinrent sans encombre a la grande caverne ou un peu de jour tombait d'un trou garni de ronces, fore dans la voute. Il y regnait une obscurite relative a laquelle les yeux s'habituaient aisement. Et, quand Catherine decouvrit la statue a tete de bouc, Sara eut tout juste le temps de lui appliquer la main sur la bouche pour l'empecher de crier.
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