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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 35
— Enfin, te revoila semblable a ton image ! Comme tu es jolie, ma Cathy ! La plus jolie fille que j'aie jamais vue... ! Tu es un peu trop maigre, mais ca ne durera pas...
Plantant un baiser sur chacune des joues de la jeune femme, il la reposa a terre puis se tourna vers Paquerette :
— J'ai faim, dit-il.
— Tout de suite ! La soupe est prete !
La voix de la jeune fille etait unie et calme comme une eau tranquille, mais Sara avait vu l'eclair de colere qui avait traverse son regard quand Landry avait embrasse Catherine. Decidement, la fille etait jalouse et Sara n'en augurait rien de bon !
Apres le souper, on tint un conseil de guerre. Rien n'avait bouge au chateau ou nul n'avait du encore decouvrir les cadavres. Mais Garin reviendrait peut-
etre bientot et l'on ne pouvait laisser Catherine a la merci d'une denonciation toujours possible, si quelqu'un remarquait sa presence dans la maison de Paquerette.
— Le mieux, fit Landry, est de prevenir Monseigneur Philippe.
Seulement ca va demander quelque temps. Il est a Paris en ce moment.
— Et messire de Roussay ? dit Catherine, est-il a Dijon ?
— Je crois que oui ! Mais il ne pourra pas grand- chose pour toi. Que tu le veuilles ou non, Garin est ton mari. Il a tous les droits sur toi et nul homme ne peut l'empecher de te reprendre, pas meme le capitaine des gardes. Il n'y a guere que le duc dont Garin n'osera pas braver la puissance.
Je partirai demain pour Paris...
C'etait evidemment la seule solution pratique, mais Catherine ne put se defendre d'une apprehension a la pensee de voir Landry s'eloigner. Aupres du jeune homme, elle ne craignait rien. Il etait fort, courageux et si gai !... Le Landry d'autrefois lui etait revenu tout entier.
— Pourquoi ne pas attendre tranquillement ici que le duc revienne ? Il ne sera peut-etre pas longtemps absent.
— Avec lui, on ne sait jamais ! fit Landry. De plus, j'ai mon service que je ne peux abandonner longtemps. Il faut que j'aille le trouver a Paris. Il donnera les ordres necessaires pour te mettre a l'abri et empecher ton mari de nuire. Si tu n'etais pas... dans cet etat, je t'aurais emmenee avec moi, mais le chemin est trop long d'ici a Paris, les routes trop dangereuses. Moi, je passerai sans peine et je reviendrai bien vite. Allons, souris-moi ! Tu sais bien que ton salut m'importe plus que tout au monde.
Il avait mis tant de chaleur dans ces quelques mots que Sara chercha instinctivement le regard de Paquerette. Mais celle-ci tenait ses paupieres obstinement baissees. Elle ramassait les ecuelles pour les laver. Son visage etait aussi immobile qu'une pierre.
— Je te preparerai quelque chose pour la route, dit-elle seulement sans regarder Landry.
Dans la nuit, Sara, qui partageait avec Catherine le lit abandonne genereusement par Paquerette, se reveilla soudainement, avertie par ce sixieme sens que les races nomades possedent a si haut degre. Le feu etait eteint, la maison obscure, mais la tzingara sentait une presence aupres du lit.
Elle retint son souffle. Paquerette devait dormir dans la soupente, au-dessus de leur tete et Landry dans l'etable, avec son cheval et les chevres. Mais un leger frolement se faisait entendre du cote de Catherine qui dormait profondement comme l'attestait sa respiration reguliere. Il y avait la quelqu'un, Sara en aurait jure. Elle allait sauter hors du lit pour courir allumer une chandelle quand des pas, prudents mais tres perceptibles, s'eloignerent vivement. La porte de la maison s'ouvrit sans un bruit et, sur le fond plus clair du dehors, Sara distingua une silhouette de femme. Mais la porte fut vivement refermee. La bohemienne n'hesita pas. Enfilant hativement ses bas, ses souliers, elle jeta une couverture sur ses epaules et, prenant bien soin de ne pas eveiller Catherine, sortit a son tour. Juste a cet instant, Paquerette sortait du poulailler, cachant quelque chose sous la mante noire qui l'enveloppait, et Sara n'eut que le temps de se rejeter dans l'ombre de la porte pour n'etre pas surprise.
La sorciere s'eloigna rapidement sous le couvert du bois auquel etait adossee sa maison. La, elle s'arreta et Sara put la voir allumer une lanterne qu'elle tenait cachee sous sa mante avant de s'enfoncer plus avant sous les arbres.
Ce manege parut si etrange a Sara qu'elle decida de la suivre. Ou donc allait Paquerette par une nuit si noire ? La temperature, vers la fin du jour, s'etait considerablement radoucie et la neige fondait, sur la terre et dans les arbres, d'ou tombaient de temps en temps de froids paquets blancs deja a demi liquides. Paquerette marchait vite et Sara dut presser le pas pour la suivre, mais la lumiere dansante de la lanterne la guidait a travers les arbres. Le chemin suivi par la fille, a peine trace mais visible cependant, grimpait a flanc de colline, contournant de gros rochers glissants d'eau et se dirigeant droit vers le sommet de l'epaulement boise. Soudain, la lumiere disparut, comme engloutie par la terre, et Sara hesita, livree tout a coup a l'obscurite.
Elle reprit neanmoins sa marche en avant, dans la direction ou elle avait vu la lumiere s'effacer. Ses yeux s'habituaient a l'obscurite et elle pouvait se diriger sans trop de peine. Bientot Sara comprit pourquoi la lumiere avait disparu. Le sentier longeait une gigantesque roche dans laquelle s'ouvrait une faille assez large pour livrer passage a un corps humain. Persuadee que Paquerette s'etait glissee dans ce trou, Sara s'arreta, tendit l'oreille, croyant bien distinguer un bruit de voix etouffees. Elle regretta de n'avoir pas songe a se munir d'une arme, mais s'engagea tout de meme, courageusement, dans l'etroit passage, tatant le rocher de ses mains. Bientot, elle dut etendre les bras car le boyau s'elargissait mais le reflet d'une lumiere vive lui apparut en meme temps que s'enflait le bruit des voix. Dans les profondeurs de la terre, quelque part au bout de l'etroite galerie, un chant bizarre se faisait entendre.
Sara pressa le pas, encouragee par la lumiere plus efficace. Le chemin plongeait resolument en profondeur, rendu glissant et malaise par les infiltrations d'eau. Mais une sensation de chaleur par venait maintenant a Sara. Le couloir lit un coude, puis montra une grande dechirure claire, a moitie bouchee par un eboulement de roches derriere lesquelles la tzingara alla se tapir pour regarder au-dela.
Ce qu'elle vit la fit se signer precipitamment. L'eboulement ouvrait sur une caverne assez spacieuse au milieu de laquelle un feu etait allume.
Derriere ce feu, erigee sur une sorte d'autel taille dans le roc, il y avait une grossiere statue de bois qui avait le corps d'un homme et la tete d'un bouc entre les cornes duquel brulaient trois chandelles de cire noire. Une douzaine d'hommes et de femmes, de tous ages, vetus comme des paysans, etaient assis a terre en demi-cercle de chaque cote de la statue. Ils etaient rigoureusement immobiles et Sara les eut pris pour des statues si un chant monotone aux paroles a peine distinctes n'avait jailli de leurs levres. Seul, un grand vieillard a cheveux blancs aussi longs que ceux d'une femme etait debout devant la grimacante idole. Les mains au fond des manches de la longue robe noire, peinte de signes cabalistiques rouges, qui l'habillait du cou aux talons, il se penchait vers Paquerette. La jeune fille avait rejete le capuchon de sa mante sombre. Elle se tenait a genoux devant le vieillard, tete nue. Elle lui parlait et il lui repondait, mais Sara etait trop loin pour entendre ce qu'ils disaient. La bohemienne avait compris qu'elle se trouvait la en face de l'assemblee des sorciers de Malain, dans le temple secret ou ils celebraient le culte de Satan, leur maitre...
Sara vit soudain Paquerette tendre quelque chose de brillant a son interlocuteur : une meche de cheveux dores, et realisa que c'etaient la des cheveux de Catherine. La sorciere avait du les couper tout a l'heure, au moment ou Sara s'etait eveillee et avait senti une presence. Le vieil homme partagea la meche en deux, en fit disparaitre la moitie sous sa robe et fit bruler l'autre moitie, conservant les cendres soigneusement. Paquerette toujours a genoux lui tendit alors une poule noire qui expliqua a Sara sa visite au poulailler. Le sorcier posa la poule sur l'autel, lui trancha la tete d'un coup de couteau. Un jet de sang jaillit et le sacrificateur en recueillit dans un bol de bois. Il en mela une partie aux cendres des cheveux, en forma une sorte de pate a laquelle il ajouta un peu de farine puis, se tournant vers le bouc, il eleva jusqu'a sa bouche grimacante l'espece de galette ainsi formee. Paquerette s'etait prosternee, face contre terre, tandis qu'a la ronde les sorciers chantaient plus fort, se balancant en cadence sur leurs hanches.
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