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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 85


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; Josse, de son cote, etait a l'Alcazaba, mele aux soldats... peut-etre meme au Ghafar, pres d'Arnaud. Mais la, l'angoisse reprenait Catherine. D'abord, il ne connaissait pas Arnaud. Ensuite, que pourrait le Parisien pour adoucir le martyre du prisonnier ? Les paroles de Muhammad resonnaient encore dans la tete de Catherine :

« Durant une semaine, il ne mangera, ni ne boira, ni ne dormira... »

Quelle pauvre loque humaine serait Arnaud apres ces jours de torture

! Et faudrait-il que Catherine enfoncat elle-meme, dans le c?ur de son epoux, la dague qui, tant de fois, l'avait defendue, protegee ? Rien qu'a cette pensee la jeune femme sentait sa gorge se secher, son c?ur defaillir. Elle savait que, jour apres jour, heure apres heure, elle allait souffrir par l'imagination, en meme temps que l'homme aime-Une seule pensee un peu consolante : « Apres l'avoir frappe, je me frapperai moi-meme », se jura-t-elle.

Lorsque Catherine eut regagne sa chambre, Morayma, qui ne lui avait pas adresse la parole, lui jeta un regard incertain.

— Repose-toi. Dans une heure, je reviendrai te chercher...

— Pour quoi faire ?

— Pour te confier aux baigneuses. Chaque nuit, desormais, tu seras conduite au lit du Maitre.

— Tu ne veux pas dire qu'il veut ?...

L'indignation lui coupa la parole, mais Morayma

haussa les epaules, avec le fatalisme de sa race.

— Tu es son bien. Il te desire... Quoi de plus naturel ? Quand on ne peut eviter le destin, la sagesse exige de le subir sans se plaindre...

— Et tu crois que je vais accepter cela ?

— Que peux-tu faire d'autre ? Tu es belle. A sa facon, le Maitre t'aime. Tu desarmeras peut-etre sa colere...

Un coup d'?il farouche de Catherine la renseigna sur la valeur de ses encouragements et elle prefera s'eloigner. Demeuree seule, la prisonniere se laissa tomber sur son lit, malade de fureur a la pensee de ce qui l'attendait encore. Dire qu'elle avait cru en ce Calife qui la traitait avec une si froide cruaute ! Il etait bien le frere de Zobeida.

Elle avait retrouve en lui la meme arrogance, la meme jalousie sauvage, le meme egoisme absolu. Zobeida pensait qu'Arnaud pourrait laisser mourir Catherine, l'oublier aupres d'elle, et Muhammad osait pretendre la faire sienne au moment meme ou il condamnait son epoux a des souffrances sans fin ! Certes, Catherine etait fermement decidee a se defendre farouchement, mais son bourreau avait tous les moyens de la reduire a l'impuissance. Il rirait, sans doute, des efforts qu'elle ferait pour lui resister... et elle n'avait meme pas la ressource de se tuer ! Tristement, elle tira le petit flacon de poison que lui avait envoye Abou-al- Khayr de la cachette ou elle l'avait dissimule, derriere une plaque d'azulejos qu'elle avait descellee du mur. Si elle avait pu en faire parvenir la moitie a son epoux, elle eut avale sans hesiter le reste du flacon... mais ce n'etait pas possible !

Elle devait donc rester en vie pour Arnaud, pour lui eviter les bourreaux...

Le pas glissant de l'eunuque muet du matin, charge d'un nouveau plateau, la fit sursauter. Le flacon disparut au creux de sa main. Elle regarda le serviteur deposer son chargement tout pres d'elle, sur le lit, au lieu de le placer a terre, sur quatre pieds, comme de coutume.

Agacee, elle voulut repousser ce repas dont elle n'avait pas envie quand un coup d'?il significatif du Noir attira son attention. L'homme tirait de sa manche un mince rouleau de papier et le laissait tomber sur le plateau, puis, s'inclinant jusqu'a terre, se retirait a reculons, protocolairement.

Sur le papier, hativement deroule, Catherine, avec une joie soudaine, lut les quelques lignes qu'avait tracees son ami le medecin.

« Celui qui dort d'un profond sommeil ignore aussi bien la souffrance que les contingences exterieures. La confiture de roses qui, chaque soir, te sera servie t'apportera quelques heures d'un sommeil si lourd que rien ni personne ne pourra t'eveiller... »

Il n'y avait rien de plus, mais, du c?ur de Catherine, une ardente action de graces monta vers l'ami fidele qui, par des moyens connus de lui seul, parvenait a veiller sur elle si attentivement. Elle avait compris : chaque soir, en venant la chercher, Morayma la trouverait si profondement endormie que le Calife serait bien oblige de renoncer a ses pretentions. Et qui donc soupconnerait l'innocente confiture de roses sans laquelle il n'etait guere de repas convenable a Grenade ?

Replacant vivement le flacon dans sa cachette, Catherine s'installa devant son repas. Il fallait manger autre chose pour ne pas eveiller de soupcons. Ce n'etait pas facile parce qu'elle n'avait vraiment pas faim, mais elle se forca a entamer plusieurs plats. Enfin, elle avala trois cuillerees de la fameuse gelee parfumee, puis alla s'etendre sur son lit, emplie d'un sentiment de triomphe. Elle avait trop confiance en son ami Abou pour ne pas s'abandonner entierement a ses ordres, a peu pres certaine que la sollicitude du petit medecin ne s'etendrait pas seulement a elle. Pour etre aussi bien renseigne, il ne devait pas ignorer la situation tragique d'Arnaud. La presence de Gauthier parmi les jardiniers d'Al Hamra en etait une sorte de preuve. Peu a peu, les nerfs tendus de Catherine se relacherent. La drogue mysterieuse contenue dans la confiture prenait possession de son organisme...

Au pied du double donjon rouge encadrant la porte des Sept Etages, la foule se rassembla quand la chaleur du jour commenca de decroitre. Il y avait la un grand espace vide ou le Calife faisait man?uvrer des troupes et ou avaient lieu les plus grandes fetes publiques. On y avait construit, au bas des remparts d'Al Hamra, des echafaudages de bois pour le public et des tribunes tendues de soies multicolores pour le Calife et ses dignitaires, mais il y avait tant de monde que les echafaudages furent bientot pris d'assaut et qu'une grande partie du public resta debout.

Durant les quelques jours precedents, les pretres et les mendiants avaient parcouru la ville pour annoncer partout que le Commandeur des Croyants donnerait, ce jour-la, une grande fete pour les funerailles de sa s?ur bien-aimee, fete au cours de laquelle l'Infidele qui l'avait tuee serait mis a mort. Et toute la ville, a l'heure dite, etait venue : hommes, femmes, enfants, vieillards confondus en une masse mouvante et coloree, criarde et agitee. Les paysans etaient descendus des montagnes voisines, mettant la tache brune de leurs djellabas terreuses parmi les robes rouges, blanches, bleues ou orange des citadins. On se montrait quelques groupes de guerriers mercenaires, venus du Maghreb, leurs longs cheveux tresses flottant sur le selham noir eclaire, dans le dos, d'un losange ecarlate, d'autres vetus de bleu sombre et voiles comme des femmes, portant d'etranges boucliers de peau enluminee, plus redoutables peut-etre dans leur mystere que les cavaliers maures aux casques etincelants.

Toute la Ville Haute etait descendue, en vetements de fete, brillants d'or ou d'argent, sur lesquels tranchaient les draperies immaculees des imams envahissant deja la tribune du Grand Cadi. Un peu partout, erraient les grands esclaves soudanais du palais, d'une elegance voyante dans leurs robes criardes aux teintes agressives, l'anneau de la servitude a l'oreille, riant comme des enfants dans l'attente du spectacle.

Une atmosphere de kermesse regnait sur tout cela. En attendant que le spectacle commencat, tous les baladins de la ville s'etaient transportes sur le champ de man?uvre, surs de trouver la un public.

Bateleurs, conteurs rythmant leurs recits de brefs coups de tambourin, charmeurs de serpents noirs et chevelus brandissant leurs dangereux pensionnaires en une danse frenetique, acrobates plus desarticules que les serpents eux-memes, sorcieres brassant l'avenir dans des corbeilles d'osier pleines de coquillages blancs et noirs, chanteurs nasillards braillant des versets du Coran ou des poemes d'amour d'une voix de muezzin, vieux pitres au cuir noir, a la barbe grise, grimacant au milieu d'une tempete de rires, mendiants industrieux aux doigts trop agiles, tout cela melange dans la poussiere rouge soulevee par leurs pas, sentant le crottin de cheval et la paille.