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Последние комментарии
оксана2018-11-27
Вообще, я больше люблю новинки литератур
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Professor2018-11-27
Очень понравилась книга. Рекомендую!
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Vera.Li2016-02-21
Миленько и простенько, без всяких интриг
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ст.ст.2018-05-15
 И что это было?
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Наталья222018-11-27
Сюжет захватывающий. Все-таки читать кни
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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта - Страница 52


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— Des tetes coupees ! dit-il seulement, comme c'est accueillant !

Et Catherine frissonna, mais son courage n'en demeura pas moins grand. Le piege etait seduisant, fleuri et sans doute dangereux, mais avec ses mains nues, avec son seul amour elle en arracherait les sortileges.

— Allons-y ! dit-elle seulement.

Les haillons qui la couvraient, ainsi que ses deux compagnons, avaient ete voles par Josse sur des cadavres rencontres dans la montagne. Leur salete avait souleve le c?ur de la jeune femme, mais, sous sa cotonnade noire, elle se sentait a l'abri. Ce pays, qui ne permettait aux femmes de montrer que leurs yeux, avait des usages pratiques pour qui souhaitait se cacher.

Les yeux rives aux masses de verdure sur lesquelles ressortaient si bien les murs aux tons chauds d'Al Hamra, Catherine se laissa entrainer, le c?ur battant a la fois d'espoir et de crainte. Les Croises de jadis devaient eprouver quelque chose d'analogue en decouvrant Jerusalem... Au milieu d'une foule gesticulante, braillarde, fleurant a la fois le jasmin et l'huile rance, elle franchit la premiere enceinte assez delabree. La seconde lui parut lointaine, au-dela d'un espace sans arbres ni construction d'aucune sorte, mais a peu pres aussi peuple qu'un champ de foire un jour de marche. La se tenaient les marches aux grains, au fourrage et aux herbes. Des anes, des mulets, des moutons, des chameaux nonchalants circulaient entre les sacs poses a meme la poussiere aupres desquels des musulmans aux djellabas terreuses etaient assis, appelant le client a grands cris. Plus loin, on vendait du bois de chauffage, du charbon ; plus loin encore, de la paille, du foin, du fourrage vert. La deuxieme enceinte, beaucoup plus haute, ouvrant sur la ville meme par le haut fer a cheval de la porte de l'Alcazaba, donnait une rouge toile de fond a cette foule qui reunissait toutes les couleurs de la terre, depuis le noir jusqu'au rouge chaud en passant par tous les bruns, tous les gris, tous les jaunes et tous les ocres. Et puis, la seconde porte passee, tout devenait vert. D'enormes tas de myrte, de basilic, d'estragon, de laurier embaumaient l'air bleu, voisinant avec des couffins debordants d'olives, de citrons, de pistaches et de capres, et des outres en peau de chevre pleines de beurre fondu et de miel... Cette ville rouge dont Catherine decouvrait le c?ur blanc fait de maisons aux toits plats, aux murs nus passes a la chaux, etait comme une enorme corne d'abondance d'ou coulait la prosperite. Elle posait a la pointe de l'Europe la griffe de l'Afrique immense, mysterieuse et feconde qui s'ouvrait derriere elle jusqu'au bout du ciel. Des conquetes espagnoles des terribles sultans almoravides ou almohades, hommes voiles de noir venus du grand Atlas et de la fabuleuse Marrakech, il ne restait que peu de chose : ce royaume de Grenade a l'etendue reduite sucre et rouge comme le fruit dont il portait le nom et qui resumait a lui seul tout l'Orient et toute l'Afrique.

— Quel fabuleux pays ! murmura Catherine emerveillee. Tant de richesse !...

Il vaudrait mieux eviter de parler francais, souffla Josse. C'est une langue peu repandue chez les Maures. Nous voila dans la place.

Avez-vous une idee de l'endroit ou habite votre ami le medecin ?

— Il m'avait dit que sa maison s'elevait au bord d'une riviere...

Elle s'interrompit, les yeux ecarquilles. Dans l'etroite ruelle qui serpentait entre les maisons blanches aux murs aveugles, un cortege s'avancait, des coureurs armes de batons repoussaient les marchands ambulants qui emplissaient l'air de leurs appels et du tintement de leurs clochettes, puis venaient des cavaliers en burnous blanc. Enfin, portee sur les epaules de six esclaves noirs comme l'ebene et nus jusqu'a la ceinture, une litiere doree venait d'apparaitre, voguant au-dessus des tetes enturbannees, comme une caravelle sur les flots.

Catherine et ses compagnons eurent juste le temps de se plaquer contre une maison pour ne pas etre atteints par le baton des coureurs qui hurlaient a pleine gorge. En passant devant Catherine, les rideaux de mousseline azuree s'ecarterent sous la poussee d'un courant d'air et la jeune femme put apercevoir, couchee sur des coussins dores et toute vetue de voiles bleus, une mince et souple creature dont la longue chevelure noire etait tressee de sequins d'or et qui, hativement, ramena l'un de ses voiles sur son visage. Mais la jeune femme avait eu le temps de remarquer la beaute de cette femme, son profil imperieux et ses immenses yeux noirs ainsi que les joyaux qui ornaient sa gorge.

— Qui est cette femme ? demanda-t-elle d'une voix qui s'etranglait d'une soudaine angoisse. C'est au moins une princesse...

Sans lui repondre, Josse, de la voix pleurarde qu'il avait adoptee, demanda a un porteur d'eau coince pres d'eux qui etait la dame a la litiere. La reponse l'atterra. Josse n'eut pas besoin de la lui traduire car, depuis qu'ils avaient franchi les Pyrenees, il avait occupe les loisirs de la route, en apprenant a la jeune femme autant d'arabe qu'il pouvait. Elle en savait assez pour suivre une conversation facile et elle avait parfaitement compris ce qu'avait dit le porteur d'eau.

— C'est la precieuse perle d'Al Hamra, la princesse Zobeida, s?ur du Calife !

La s?ur du Calife ! La femme qui lui avait pris Arnaud ! Pourquoi donc fallait-il que, des ses premiers pas dans la ville maure, elle vit apparaitre sa rivale ? Et quelle rivale !... D'un seul coup s'ecroulait la belle confiance que Catherine avait trainee avec elle tout au long de cette interminable route qui, des marches du Puy, l'avait menee jusque dans cette ville etrangere. La beaute, un instant entrevue, de l'Ennemie donnait a la jalousie une acrete affreuse, un gout amer qui empoisonnait jusqu'a l'air chaud de cette matinee. Catherine se laissa aller contre le mur que le soleil faisait brulant. Une immense lassitude, nee de toute la fatigue accumulee et du choc qu'elle venait de recevoir, la terrassait. De lourdes larmes montaient a ses yeux... Arnaud etait perdu pour elle. Comment n'en etre pas persuadee apres l'eblouissante vision d'or et d'azur qui venait de s'evanouir ? Le combat etait perdu d'avance...

— Mourir !... chuchota-t-elle pour elle-meme... Mourir tout de suite !

Cela n'avait ete qu'un imperceptible murmure, mais Gauthier avait entendu. Tandis que Josse, embarrasse devant cette brusque douleur, s'en allait interroger, en tatonnant d'une facon convaincante, un marchand ambulant qui proposait « des amandes bien pleines et des grenades bien juteuses ! », il se planta devant la jeune femme defaillante, la redressa d'une poigne brutale.

— Et alors ? Qu'y a-t-il de change ? Pourquoi voulez-vous mourir

?... Parce que vous avez vu cette femme ? Car c'est elle, n'est-ce pas, que vous voulez vaincre ?

Vaincre ! s'ecria-t-elle avec un rire douloureux. Vaincre avec quoi ?

Le combat n'est meme pas possible ! Folle que j'ai ete de croire que je pourrais le reprendre ! Tu l'as vue, la princesse infidele ? Fortunat avait raison. Elle est plus belle que le jour, je n'ai aucune chance contre elle.

— Aucune chance ? Pourquoi donc ?

— Mais souviens-toi de cette vision eblouissante ! Et regarde-moi...

Il la retint au moment ou elle allait faire le geste fatal. Arracher cette cotonnade noire et crasseuse sous laquelle elle etouffait, devoiler son visage, ses cheveux blonds.

— Vous etes a bout, mais il faut vous reprendre ! On nous regarde deja !... Cette defaillance nous met tous en danger ! Notre langage inhabituel...

I1 n'alla pas plus loin. Au prix d'un terrible effort de volonte, Catherine surmontait sa defaillance. Gauthier avait dit la seule chose qui pouvait l'aider : rappeler que son attitude les mettait en peril.

D'ailleurs Josse se rapprochait. Tatant le mur, le faux aveugle murmura :

— Je sais ou habite le medecin. Ce n'est pas loin. Entre la colline de l'Alcazaba et les murailles d'Al Hamra, sur le bord de la riviere. Le marchand d'amandes m'a dit « entre le pont du Cadi et le Hammam, une grande maison d'ou jaillissent des palmiers... ».