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Contes Merveilleux Tome II - Grimm Jakob et Wilhelm - Страница 11
– Prends-moi pour parrain.
L’homme demanda:
– Qui es-tu?
– Je suis la Mort qui rend les uns egaux aux autres.
Alors l’homme dit:
– Tu es ce qu’il me faut. Sans faire de difference, tu prends le riche comme le pauvre. Tu seras le parrain.
Le Grand Faucheur repondit:
– Je ferai de ton fils un homme riche et illustre, car qui m’a pour ami ne peut manquer de rien.
L’homme ajouta:
– Le bapteme aura lieu dimanche prochain; sois a l’heure.
Le Grand Faucheur vint comme il avait promis et fut parrain.
Quand son filleul eut grandi, il appela un jour et lui demanda de le suivre. Il le conduisit dans la foret et lui montra une herbe qui poussait en disant:
– Je vais maintenant te faire ton cadeau de bapteme. Je vais faire de toi un medecin celebre. Quand tu te rendras aupres d’un malade, je t’apparaitrai. Si tu me vois du cote de sa tete, tu pourras dire sans hesiter que tu le gueriras. Tu lui donneras de cette herbe et il retrouvera la sante. Mais si je suis du cote de ses pieds, c’est qu’il m’appartient; tu diras qu’il n’y a rien a faire, qu’aucun medecin au monde ne pourra le sauver. Et garde-toi de donner l’herbe contre ma volonte, il t’en cuirait!
Il ne fallut pas longtemps pour que le jeune homme devint le medecin le plus illustre de la terre.
– Il lui suffit de regarder un malade pour savoir ce qu’il en est, s’il guerira ou s’il mourra, disait-on de lui.
On venait le chercher de loin pour le conduire aupres de malades et on lui donnait tant d’or qu’il devint bientot tres riche. Il arriva un jour que le roi tomba malade. On appela le medecin et on lui demanda si la guerison etait possible. Quand il fut aupres du lit, la Mort se tenait aux pieds du malade, si bien que l’herbe ne pouvait plus rien pour lui.
– Et quand meme, ne pourrais-je pas un jour gruger la Mort? Elle le prendra certainement mal, mais comme je suis son filleul, elle ne manquera pas de fermer les yeux. Je vais essayer.
Il saisit le malade a bras le corps, et le retourna de facon que maintenant, la Mort se trouvait a sa tete. Il lui donna alors de son herbe, le roi guerit et retrouva toute sa sante. La Mort vint trouver le medecin et lui fit sombre figure; elle le menaca du doigt et dit:
– Tu m’as trompee! Pour cette fois, je ne t’en tiendrai pas rigueur parce que tu es mon filleul, mais si tu recommences, il t’en cuira et c’est toi que j’emporterai!
Peu de temps apres, la fille du roi tomba gravement malade. Elle etait le seul enfant du souverain et celui-ci pleurait jour et nuit, a en devenir aveugle. Il fit savoir que celui qui la sauverait deviendrait son epoux et heriterait de la couronne. Quand le medecin arriva aupres de la patiente, il vit que la Mort etait a ses pieds. Il aurait du se souvenir de l’avertissement de son parrain, mais la grande beaute de la princesse et l’espoir de devenir son epoux l’egarerent tellement qu’il perdit toute raison. Il ne vit pas que la Mort le regardait avec des yeux pleins de colere et le menacait de son poing squelettique. Il souleva la malade et lui mit la tete, ou elle avait les pieds. Puis il lui fit avaler l’herbe et, aussitot, elle retrouva ses couleurs et en meme temps la vie.
Quand la Mort vit que, pour la seconde fois, on l’avait privee de son bien, elle marcha a grandes enjambees vers le medecin et lui dit:
– C’en est fini de toi! Ton tour est venu!
Elle le saisit de sa main, froide comme de la glace, si fort qu’il ne put lui resister, et le conduisit dans une grotte souterraine. Il y vit, a l’infini, des milliers et des milliers de cierges qui brulaient, les uns longs, les autres consumes a demi, les derniers tout petits. A chaque instant, il s’en eteignait et s’en rallumait, si bien que les petites flammes semblaient bondir de-ci de- la, en un perpetuel mouvement.
– Tu vois, dit la Mort, ce sont les cierges de la vie humaine. Les grands appartiennent aux enfants; les moyens aux adultes dans leurs meilleures annees, les troisiemes aux vieillards. Mais, souvent, des enfants et des jeunes gens n’ont egalement que de petits cierges.
– Montre-moi mon cierge, dit le medecin, s’imaginant qu’il etait encore bien long.
La Mort lui indiqua un petit bout de bougie qui menacait de s’eteindre et dit:
– Regarde, le voici!
– Ah! Cher parrain, dit le medecin effraye, allume-m’en un nouveau, fais-le par amour pour moi, pour que je puisse profiter de la vie, devenir roi et epouser la jolie princesse.
– Je ne le puis, repondit la Mort. Il faut d’abord qu’il s’en eteigne un pour que je puisse en allumer un nouveau.
– Dans ce cas, place mon vieux cierge sur un nouveau de sorte qu’il s’allume aussitot, lorsque le premier s’arretera de bruler, supplia le medecin.
Le Grand Faucheur fit comme s’il voulait exaucer son v?u. Il prit un grand cierge, se meprit volontairement en procedant a l’installation demandee et le petit bout de bougie tomba et s’eteignit. Au meme moment, le medecin s’effondra sur le sol et la Mort l’emporta.
Les Musiciens de Breme
Un meunier possedait un ane qui, durant de longues annees, avait inlassablement porte des sacs au moulin, mais dont les forces commencaient a decliner. Il devenait de plus en plus inapte au travail. Son maitre songea a s’en debarrasser. L’ane se rendit compte qu’un vent defavorable commencait a souffler pour lui et il s’enfuit. Il prit la route de Breme. Il pensait qu’il pourrait y devenir musicien au service de la municipalite. Sur son chemin, il rencontra un chien de chasse qui s’etait couche la. Il gemissait comme quelqu’un qui a tant couru, que la mort le guette.
– Alors, Taiaut, pourquoi jappes-tu comme ca? demanda l’ane.
– Ah! dit le chien, parce que je suis vieux, parce que je m’alourdis chaque jour un peu plus, parce que je ne peux plus chasser, mon maitre veut me tuer. Je me suis enfui. Mais comment gagner mon pain maintenant?
– Sais-tu, dit l’ane, je vais a Breme pour y devenir musicien; viens avec moi et fais-toi engager dans l’orchestre municipal. Je jouerai du luth et toi de la timbale.
Le chien accepta avec joie et ils repartirent de compagnie. Bientot, ils virent un chat sur la route, qui etait triste… comme trois jours de pluie.
– Eh bien! qu’est-ce qui va de travers, vieux Raminagrobis? demanda l’ane.
– Comment etre joyeux quand il y va de sa vie? repondit le chat. Parce que je deviens vieux, que mes dents s’usent et que je me tiens plus souvent a rever derriere le poele qu’a courir apres les souris, ma maitresse a voulu me noyer. J’ai bien reussi a me sauver, mais je ne sais que faire. Ou aller?
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